Au sein du catholicisme contemporain, en France, deux hommes se sont manifestés pour attester, chacun à leur manière, la vérité du christianisme. Ils l'ont fait au cours de la même période, s'étalant grosso-modo des années 1960 aux années 1990.
Si l'un est bien connu des lecteurs de ce blog, l'autre, André Frossard est sans doute plus ignoré. Or, il m'est apparu que le parcours de vie de ces deux hommes présentait un certain nombre de points communs qui méritaient d'être soulignés.
Commençons par leur jeunesse.
Claude Tresmontant, né le 5 août 1925, est issu d'un milieu athée. Pierre Chaunu (collègue historien, professeur émérite à la Sorbonne, membre de l'Institut, décédé en 2009) et Paul Mirault (qui fut l'un de ses étudiants, toujours en vie et qui a écrit notamment deux ouvrages consacrés à son maître), relatent à ce propos : "A 10 ans, il vendait l'Humanité dans la rue, le dimanche. Mais, comme il était encore à l'époque un peu difficile de ne pas entendre parler du christianisme dans l'évolution d'un jeune lycéen français, une juste curiosité le conduisit à s'intéresser au seul essentiel, la vie, la mort, le pourquoi, le comment, en un mot : le sens. Alors qu'il a 18 ans, il lit les évangiles et est frappé par le réalisme qui se dégage de ces quatre textes qui ressemblent plus à des témoignages qu'à des mythes religieux. Après son bac, il entreprend d'étudier la philosophie des sciences à la Sorbonne, puis les sciences bibliques et l'hébreu à l'école pratique des hautes études. De lui, le grand rabbin de l'époque, Jacob Kaplan, disait : 'Ce Juste parmi les Nations est l'homme au monde qui sait l'hébreu ; nous, nous savons de l'hébreu.'"
Il reçoit le baptême à 20 ans, en raison du choix raisonné qui fut le sien dès cette époque - on était à la fin de la Deuxième guerre mondiale. Il fut éveillé à la foi par la Mission populaire du Foyer de l'Âme Protestante, mais il préféra opter pour le catholicisme.
Pendant 10 ans, maître d'internat au lycée Saint Louis, il étudie les langues anciennes, toutes les sciences (physique, sciences de l'univers, biologie...), véritable Pic de la Mirandole égaré au XXe siècle.
André Frossard, né le 14 janvier 1915, est également né dans un milieu athée. Son père, Louis Oscard Frossard, encore appelé Ludovic Oscar, fut le premier secrétaire du Parti Communiste Français lorsque celui-ci vit le jour, lors de la scission d'avec la SFIO au Congrès de Tours en 1920. Dans son livre-témoignage paru en 1969, "Dieu existe, je l'ai rencontré", André Frossard indique : "Dieu n'existait pas. Son image, enfin les images qui évoquent son existence ou celle de ce que l'on pourrait appeler sa descendance historique, les saints, les prophètes, les héros de la Bible, ne figuraient nulle part dans notre maison. Personne ne nous parlait de Lui." C'est pourtant le même André Frossard qui écrira, dans ce même livre : "il se trouve que je sais, par extraordinaire, la vérité sur la plus disputée des causes et le plus ancien des procès : Dieu existe, je l'ai rencontré."
Cette rencontre eut lieu à Paris, rue d'Ulm, près du Panthéon, dans une chapelle - qui n'existe plus à l'heure actuelle, remplacée par l'Institut Pierre et Marie Curie - le 8 juillet 1935. Laissons André nous décrire l'événement : "Entré à 17 h 10 dans une chapelle du quartier latin à la recherche d'un ami, j'en suis sorti à 17 h 15 en compagnie d'une amitié qui n'était pas de la terre. Entré là sceptique et athée d'extrême-gauche, et plus encore que sceptique et plus encore qu'athée, indifférent et occupé à bien d'autres choses que d'un Dieu que je ne songeais même plus à nier, tant il me semblait passé depuis longtemps au compte des profits et pertes de l'inquiétude et de l'ignorance humaine, je suis ressorti quelques minutes plus tard catholique, apostolique romain, porté, soulevé repris et roulé par la vague d'une joie inépuisable."
Il reçut le baptême quelque temps plus tard, âgé lui aussi de 20 ans à l'époque. Il ajoute : "J'insiste. Ce fut une expérience objective, quasiment de l'ordre de la physique, et je n'ai rien de plus précieux à transmettre que ceci : au delà, ou plus exactement à travers le monde qui nous environne et nous intègre, il est une réalité, infiniment plus concrète que celle à laquelle nous faisons généralement crédit, et qui est l'ultime réalité devant laquelle il n'y a plus de questions." Il souligne encore : "Tout ce que je peux dire est que j'ai été fait catholique ce jour là... et non protestant, ni musulman, ni juif à part entière. J'ai été aussi surpris de me voir catholique à la sortie de cette chapelle, que je l'eusse été à me voir girafe à la sortie d'un zoo". Et à ceux qui trouvaient curieux qu'on puisse si facilement sortir catholique d'une chapelle de cette religion et lui rétorquaient qu'il serait sans doute sorti musulman d'une mosquée ou bouddhiste d'un temple, il leur répondait ceci : "qu'il lui arrivait de sortir d'une gare sans être un train!"