Il ya souvent difficulté pour le croyant (même s'il est pratiquant) d'assimiler le contenu des dogmes que l'Eglise a exprimés au fil des âges depuis les débuts du christianisme.
Claude Tresmontant en impute très souvent la responsabilité au sens altéré des mots utilisés dans leur définition. Il l'a magistralement montré, par exemple, à propos des notions utilisées pour définir la Sainte Trinité. Ainsi en va-t-il quand il souligne le double sens du mot "Fils" qui peut tout à la fois désigner Jésus et le "Logos" éternel de Dieu lui-même, quand il montre l'apparition des mots "personae" mal traduits en termes d'"individus", "d'existences individuelles", quand il s'empare de ces termes peu clairs que sont les "hypostases"... C'est là un premier obstacle, et il ne saurait être sous-estimé. Cependant il en existe aussi un autre de taille, c'est la perception même du dogme qui fait difficulté, à raison, cette fois, du dogmatisme qui lui sert trop souvent de méthodologie.
André Frossard a très bien cerné ce problème et il s'en explique dans un chapitre de son livre "Dieu en questions". Son propos est très éclairant :
« Contrairement à ce que l'on prétend, les dogmes ne fixent pas à l'intelligence des limites qu'il lui serait interdit de franchir [on notera l'harmonie de pensée avec Claude Tresmontant qui magnifie toujours l'intelligence dans l'acte de foi]. Ils l'attirent au-delà des frontières du visible. [André Frossard dira aussi : « La foi, c'est ce qui permet à l'intelligence de vivre au-dessus de ses moyens »] Ce ne sont pas des murs, ce sont des fenêtres dans notre prison.
« Mais si le dogme est une vérité, le dogmatisme est une erreur ; car si les vérités de foi nous ouvrent à un ordre de réalités qui nous demeureraient inconnu si nous étions laissés à nos propres forces, le dogmatisme s'évertue à constituer ces vérités en système, autrement dit à les ramener à la mesure de notre faible entendement.
« Rien n'est plus contraire à la vie de l'esprit que le dogmatisme, et c'est lui qui porte la responsabilité des guerres de religion (encore que celles-ci aient souvent pris la foi pour prétexte alors qu'elles avaient la politique pour mobile, et cette infernale volonté de puissance qui est la cause des maux dont souffrent les sociétés humaines).
« Il est bien injuste d'incriminer les dogmes, quand ce sont les hommes qui sont coupables...
« Les articles de la foi chrétienne, qui ne sont pas des aperçus philosophiques, ... se ramènent tous à un seul, à savoir l'Incarnation de Jésus-Christ, "Fils du Dieu vivant", et ils ne sont nullement incompatibles avec la liberté... car l'acte de foi est l'acte le plus libre qu'un être humain puisse accomplir, car rien ne l'y oblige.
« Les vérités de foi ne sont pas des instructions édictées par une autorité supérieure [à rapprocher avec les propos de Claude Tresmontant :« L'Eglise n'est pas une société secrète dans laquelle la connaissance plénière serait réservée à une caste d'élus... L'autorité dans l'Eglise n'est pas un système de type militaire... »] ; ce sont des messages de l'amour infini qui contiennent toute espérance. Il y a bien des façons de les recevoir ou de les lire, et ils ont la propriété de faire de chacun de leurs destinataires conscients une personne distincte, unique et irremplaçable... »