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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 18:36

Saint PaulClassique des études sur Saint Paul, Saint Paul et le mystère du Christ entend nous débarrasser de bien des contre-sens qui continuent d’être véhiculés à son sujet.

 

Dans son très beau livre Introduction à la métaphysique de Tresmontant, Yves Tourenne nous avertit qu’il s’agit bien de « l’œuvre d’un philosophe, ou d’un penseur de la cosmogenèse, qui a lu Teilhard de Chardin, et d’un penseur de la métaphysique biblique. » (p. 315)

 

En effet, Tresmontant avait proposé une lecture synthétique du chercheur en 1956 ; la même année, signe d’une parenté avec Saint Paul, il approche « le mystère du Christ ».

 

Le mot grec mysterion tire son origine probable du verbe muein qui signifie « fermer la bouche », ce qui a pu donner « mutisme » et « muet » ; le mystère mime le silence, une vertu de mystique très recherchée par Tresmontant : « Il faut savoir écouter, il faut savoir se taire, il faut aimer le silence, pour écouter le réel, pour l'ausculter, dans tous les ordres, et pour le penser en secret. » (Introduction à la théologie chrétienne, p.507)

 

Dans le monde biblique, le « mystère » désigne un secret (en hébreu, Sôd), un signe intelligible d’une richesse telle qu’il peut nous réduire au silence, comme en état d’émerveillement. C’est un pain de l’intelligence, le contraire des abstractions ésotériques réservées à des sectes d’initiés ; Tresmontant nous invite à goûter à ce pain que nous présente Saint Paul, en vue de discerner le cœur même de la métaphysique du Christ, le dessein créateur de Dieu. De fait, aucune contradiction entre le message du Christ et le message de Saint Paul.

 

Toutefois, si le Christ utilise une symbolique paysanne, Paul a tendance à la tourner en symbolique citadine (p. 11) ; en revanche, ni chez le Christ, ni chez Saint Paul, le « sentiment de la nature » n’est convoqué comme chez les romantiques. Les analogies sont toujours au service du sens fécond de la vie et ne sont jamais un moyen de la fuir.

 

Le milieu de Saint Paul

 

Encore aujourd’hui, on a tendance à considérer le judaïsme en un seul bloc ; or, désormais, on sait avec les travaux de Lietzmann notamment que le judaïsme talmudique a remplacé le judaïsme grec.

 

« la Loi mosaïque a subi un développement qui a été d'ailleurs ressentie par le judaïsme lui-même puisque la Halaka n'est rien d'autre que l'interprétation, en fonction des temps nouveaux et des circonstances nouvelles de la Loi écrite. Ce développement de la Loi, dans le Judaïsme, a été une augmentation, constante de la Torah, sans laisser tomber caduques de l'arbre. » (p. 99)

 

La contradiction est patente : le judaïsme qui prétend suivre depuis Moïse les prescriptions est lui-même cause d’une évolution dogmatique.

 

Au temps du Christ, les pharisiens (« séparé »), les peroushims, avaient la foule pour alliée, les scribes et la stricte observance de la Loi. Ils ont remplacé peu à peu les Sadducéens, les prêtres entourés par les riches et les aristocrates.

 

Sur le plan théologique, les pharisiens dont faisait partie Saint Paul avant sa conversion, ne rejettent pas la résurrection de la chair, contrairement aux Sadducéens.

 

Le rôle de la Loi mosaïque

 

Saint Paul ne rejette pas le sens normatif de la Loi qui a permis « d'ABREAGIR le péché, en faisant d'abord prendre conscience qu'il existe, en le faisant reconnaître comme péché. » (p. 67)

 

Le péché signifie le crime. Comme Tresmontant n’a cessé de l’écrire, on peut observer tous les jours que l’homme, le paléo-anthropien des paléontologues, le « vieil homme » de Saint Paul, vit de sacrifices et de meurtres ; il suffit de l’observer très simplement. De fait, dans l’histoire, « sans la Loi mosaïque, il n'y aurait pas eu d'Israël, parce que comme tous les autres peuples, celui-ci se serait vautré dans la prostitution aux idoles, dans le crime et l'injustice. Israël sans la Loi aurait été comme un organisme sans structure, sans possibilité d'existence autonome. » (p. 64).

 

Avec le Christ, la Loi ne suffit plus. L’humanité est arrivée à une nouvelle étape. C’est pourquoi le sens de la Loi n’est plus à strictement parler moral mais ontologique. L’exigence est à son point oméga : ce n’est plus un respect des Lois selon une relation de petit enfant devant son père mais une question d’être selon une relation d’époux.

 

« Une tentative pour faire régresser la « justice » du plan surnaturel chrétien au plan de l'éthique, se trouve dans la morale de Kant. La Critique de la Raison pratique représente un effort analogue à celui que Paul eut à combattre chez les Galates : chercher la justice dans l'observance d'une Loi morale. » (p.117)

 

Pour conclure sur ce point, la Loi n’est pas supprimée comme chez Marcion, mais accomplie. Aucun anti-judaïsme chez Saint Paul mais reconnaissance intégrale de la première matrice, du « phylum » hébreu. Ceci ne peut se comprendre que si l’on interprète le sens du prophétisme hébreu que Saint Paul maîtrisait.

 

La tradition du prophétisme

 

Le prophétisme hébreu éclaire une métaphysique du temps tout à fait originale ; petit à petit, comme un lent apprentissage, l’humanité se forme, en sortant des antiques programmations animales, de cette vieille humanité qui vit de sacrifices et d’idolâtrie (sacrifier = rendre sacré), laquelle est considérée comme la stupidité la plus mortelle chez tous les prophètes : « L'inintelligence, ce que les prophètes appellent la stupidité, est donc le péché fondamental, le péché par excellence, le péché contre l'esprit. […] L'idolâtrie est la stupidité fondamentale, conformément à l'enseignement des prophètes : stupidité métaphysique, qui confond le Dieu créateur avec le créé périssable. » (p. 121/122)

 

Que l’on pense à l’exemple célèbre que Saint Paul rapporte avec humour d’Athènes, en dépit des railleries qu’il a essuyées là-bas : « J'ai même trouvé un autel sur lequel était gravé : « A un Dieu inconnu ! » » (p. 126)

 

En effet, le propre du paganisme est de vivre selon l’antique humanité qui secrète des dieux par milliers et, le plus souvent, sans s’en rendre compte. C’est pourquoi « du point de vue païen, un Juif est « athée » puisqu'il refuse d'adorer les multiples dieux de la cité. C'est en tant qu' «athées » que les Juifs ont été persécutés dans l'Empire. Rappelons-nous la stupéfaction des armées romaines quand les vainqueurs eurent pénétré dans le Temple de Jérusalem, dans le Saint des saints, et qu'ils n'y trouvèrent au lieu des statues qu'ils attendaient, rien. » (p. 158-159)

 

Vers une anthropologie intégrale

 

« Si l'Incarnation s'était effectuée au paléolithique, par exemple, dans une quelconque tribu humaine, le monde n'aurait pas connu la Visite de Dieu. L'Evangile n'aurait pas pu être annoncé, parce que non seulement il n'aurait pas trouvé un terrain pour le recevoir, mais aussi parce que l'humanité n'avait pas encore atteint son âge, réalisé une unité, qui permît au levain de la Parole de soulever la pâte humaine. Il fallait donc que la pâte humaine soit physiquement prête à recevoir cette semence. Avant ce moment-là, l'annonce de l'Evangile aurait été prématurée. C'est pourquoi la Bible attache une telle importance aux « temps » » (p. 77)

 

Nous retrouvons ici la métaphysique biblique du temps, toujours prospective, jamais rétrospective. Il est étonnant de constater que « l'Incarnation, en fait, s'est opérée au moment où l'Empire romain avait fait l'unité du monde méditerranéen. » (p. 77)

 

L’Incarnation éclaire le sens de la foi qui, dans le christianisme, ne « ne s'oppose pas à la connaissance, comme chez les gnostiques. Elle est connaissance, connaissance de Dieu, intelligence du mystère de Dieu manifesté en son Fils. » (p. 153)

 

« Vouloir connaître quelque chose, c'est n'avoir rien compris au mystère de Dieu qui est quelqu'un. » (p. 153)

 

Pour connaître davantage ce « Quelqu’un », l’ascèse est une des conditions, en vue de la divinisation réclamée. Elle est une purification de l’antique humanité, en vue de ratifier davantage le don de la vie surnaturelle. « L'ascèse paulinienne est une ascèse athlétique. Elle n'a rien d'une ascèse morbide, d'un masochisme stérile, elle est essentiellement orientée vers le fruit à porter. On émonde l'arbre pour qu'il porte davantage de fruit. Saint Paul, c'est le contraire de « la recherche du temps perdu ». » (p. 160)

 

Il faut s’entendre tout de suite sur le mot « chair » ; par exemple, des intellectuels comme Michel Onfray disent que le christianisme véhicule une haine du corps. C’est tout le contraire qui est vrai.

 

En réalité, il s’agit d’un malentendu sémantique : l’univers biblique n’est pas l’univers matérialiste resté victime du dualisme platonicien avec, d’un côté, le corps et, de l’autre, l’âme, laquelle est supprimée dans le schéma des matérialistes. Ici, la chair (de l’hébreu basar) ne désigne pas le corps mais la totalité humaine. Ainsi, Paul ne dit pas que le corps est mauvais (thèse manichéenne) mais que « l'humanité est, en son fond, pécheresse » en s’opposant à la vocation de Dieu.

 

On sent qu’il s’agit d’un ouvrage de vulgarisation qui sera davantage approfondi, cette fois, dans Schaoul Paulus, la théorie de la métamorphose où, comme le suggère son titre, Tresmontant va révéler l’anthropologie intégrale qui est le cœur du christianisme : ce qui est voulu depuis le début nous est révélé par le Christ qui résume l’union entre l’Incréé et la créature, modèle à assimiler selon une relation d’amitié, sans confusion, sans altération. 

 

 

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C
<br /> Voir Blog(fermaton.over-blog.com)No.7- THÉORÈME COSMOLOGIQUE. -La naissance du temps.<br />
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