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21 avril 2013 7 21 /04 /avril /2013 12:20

Il ya souvent difficulté pour le croyant (même s'il est pratiquant) d'assimiler le contenu des dogmes que l'Eglise a exprimés au fil des âges depuis les débuts du christianisme.

 

Claude Tresmontant en impute très souvent la responsabilité au sens altéré des mots utilisés dans leur définition. Il l'a magistralement montré, par exemple, à propos des notions utilisées pour définir la Sainte Trinité. Ainsi en va-t-il quand il souligne le double sens du mot "Fils" qui peut tout à la fois désigner Jésus et le "Logos" éternel de Dieu lui-même, quand il montre l'apparition des mots "personae" mal traduits en termes d'"individus", "d'existences individuelles", quand il s'empare de ces termes peu clairs que sont les "hypostases"... C'est là un premier obstacle, et il ne saurait être sous-estimé. Cependant il en existe aussi un autre de taille, c'est la perception même du dogme qui fait difficulté, à raison, cette fois, du dogmatisme qui lui sert trop souvent de méthodologie.

 

André Frossard a très bien cerné ce problème et il s'en explique dans un chapitre de son livre "Dieu en questions". Son propos est très éclairant :

 

« Contrairement à ce que l'on prétend, les dogmes ne fixent pas à l'intelligence des limites qu'il lui serait interdit de franchir [on notera l'harmonie de pensée avec Claude Tresmontant qui magnifie toujours l'intelligence dans l'acte de foi]. Ils l'attirent au-delà des frontières du visible. [André Frossard dira aussi : « La foi, c'est ce qui permet à l'intelligence de vivre au-dessus de ses moyens »] Ce ne sont pas des murs, ce sont des fenêtres dans notre prison.

 

« Mais si le dogme est une vérité, le dogmatisme est une erreur ; car si les vérités de foi nous ouvrent à un ordre de réalités qui nous demeureraient inconnu si nous étions laissés à nos propres forces, le dogmatisme s'évertue à constituer ces vérités en système, autrement dit à les ramener à la mesure de notre faible entendement.

 

« Rien n'est plus contraire à la vie de l'esprit que le dogmatisme, et c'est lui qui porte la responsabilité des guerres de religion (encore que celles-ci aient souvent pris la foi pour prétexte alors qu'elles avaient la politique pour mobile, et cette infernale volonté de puissance qui est la cause des maux dont souffrent les sociétés humaines).

 

« Il est bien injuste d'incriminer les dogmes, quand ce sont les hommes qui sont coupables...

 

« Les articles de la foi chrétienne, qui ne sont pas des aperçus philosophiques, ... se ramènent tous à un seul, à savoir l'Incarnation de Jésus-Christ, "Fils du Dieu vivant", et ils ne sont nullement incompatibles avec la liberté... car l'acte de foi est l'acte le plus libre qu'un être humain puisse accomplir, car rien ne l'y oblige.

 

« Les vérités de foi ne sont pas des instructions édictées par une autorité supérieure [à rapprocher avec les propos de Claude Tresmontant :« L'Eglise n'est pas une société secrète dans laquelle la connaissance plénière serait réservée à une caste d'élus... L'autorité dans l'Eglise n'est pas un système de type militaire... »] ; ce sont des messages de l'amour infini qui contiennent toute espérance. Il y a bien des façons de les recevoir ou de les lire, et ils ont la propriété de faire de chacun de leurs destinataires conscients une personne distincte, unique et irremplaçable... »

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8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 23:29

Tombe JM & MB

Hier, dimanche 7 avril 2013, en la fête de la Miséricorde divine, les administrateurs du site ont péleriné jusqu'à la tombe de notre bien-aimé Professeur. Nous avons prié pour le repos de son âme et demandé au Seigneur la grâce de faire fructifier son oeuvre.

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30 mars 2013 6 30 /03 /mars /2013 14:26

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 12:00

Chers amis,

 

En exclusivité absolue sur ce blog, voici la 12e partie (inédite!) d'une interview audio donnée par Claude Tresmontant en décembre 1996, quatre mois seulement avant sa mort.

 

Interrogé par Jérôme Dufrien - qui nous a fait l'honneur et la grâce de nous confier la diffusion de ce document exceptionnel -, Claude Tresmontant revient sur les grands thèmes de son oeuvre.

 

Dans ce nouvel extrait que nous publions aujourd'hui, Claude Tresmontant nous introduit dans le mystère de l'Eglise.

      

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17 mars 2013 7 17 /03 /mars /2013 20:03

Chers amis,


"Annuntio vobis gaudium magnum"... nous avons un nouvel extrait de l'interview audio de Claude Tresmontant!  

 

Rendons grâce à Dieu pour ce cadeau inattendu et bienvenu! Et remercions de tout coeur notre ami et bienfaiteur Jérôme Dufrien pour ce trésor qu'il nous partage.

 

L'extrait dont il est question concerne le mystère de l'Eglise. Nous le publierons donc symboliquement ce mardi, jour de l'inauguration officielle du pontificat du Pape François, pour nous associer à notre manière à ce grand moment de la vie de l'Eglise.

 

A très vite!

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10 mars 2013 7 10 /03 /mars /2013 16:08

La question de l'existence de Dieu est la première des questions philosophiques [1].

 

Quiconque s'interroge sur sa vie et sur toutes les réalités qui l'entourent ne peut pas, à un moment donné, ne pas se poser cette question fondamentale entre toutes : à quoi dois-je mon existence? Celle-ci est tellement prodigieuse, miraculeuse [2], que je ne puis me demander d'où elle vient : de l'Univers lui-même ou... d'un Autre?

 

Ce réel que je perçois autour de moi, et qui réalise des merveilles - dont celle de ma propre existence - est-il la totalité du réel, ou bien... y en a-t-il un autre, caché, mystérieux, mais tout aussi réel, que me dévoile mon existence même, les prodiges qui m'environnent, l'Univers tout entier? - tel le bouquet de fleur révélant à la fiancée l'amour de son fiancé.

 

N'y a-t-il que de la matière? que du monde? que de la Nature? Ou bien la réalité sensible me laisse-t-elle entrevoir une autre réalité : un Amour, à la source de mon être, qui me comble de ses dons?

 

Certains affirment que la question de l'existence de Dieu est incongrue ; qu'elle ne se pose pas [3]. Mais ils se trompent (et ils nous trompent). Car eux-mêmes se la sont posée - qu'ils l'admettent ou non - et l'ont résolu à leur manière : en décrétant avant toute analyse, au nom de l'évidence, que l'Univers est le seul être et qu'il n'en est pas d'autre. Si l'Univers est le seul être, alors en effet : la question de Dieu ne se pose pas puisque la voilà par avance résolue! Mais il s'agit d'un présupposé dont il convient précisément de vérifier la légitimité - en la soumettant à une critique rationnelle.

 

D'autres admettent que la question se pose effectivement. Que notre univers est trop "étrange" (pour reprendre l'expression de Georges Lemaître) et notre vie trop improbable pour ne pas s'interroger sur le fondement ultime de l'être - et poser, comme hypothèse plausible, l'existence de Dieu. Cependant, avertissent-ils : "Vous aurez beau chercher, vous ne trouverez pas de solution définitive au problème. La question de l'existence de Dieu est insoluble." Et ils invoquent à titre de preuve le désaccord régnant entre les philosophes - chacun ayant sa propre théorie. Le fait que les grands penseurs de notre humanité ne soient pas parvenus à s'entendre sur un sujet aussi essentiel montre assez bien, selon eux, que l'on ne peut acquérir aucune certitude en la matière.

 

Mais le désaccord entre les philosophes ne démontre nullement que la question est insoluble! Il révèle simplement que la question est difficile. Après tout, parmi toutes les théories existantes, peut-être en existe-t-il de satisfaisantes, tandis que d'autres pourraient être aisément écartées? Pour le savoir, il faut examiner ces théories en présence pour voir ce qu'elles valent "car comment savoir [si le problème est insoluble], alors que l'on n'a même pas encore commencé de [le] traiter, et qu'on ne [l'a] pas encore correctement posé?" [4]. On ne peut savoir a priori si la question est insoluble. On le saura si, après analyse, il s'avère qu'aucune théorie n'est satisfaisante sur le plan rationnel - c'est-à-dire : conforme à la réalité objective [5].

 

Mais nos agnostiques voient avec beaucoup de réticence ce type d'analyse. Il se méfient des raisonnements métaphysiques. Ils estiment qu'il n'est de connaissance certaine que scientifique ; que la raison humaine est incapable, par elle-même, d'atteindre des vérités métaphysiques s'imposant à tous. La vérité ultime de toute chose, pensent-ils, est hors de portée de notre raison. Elle est inaccessible. Chacun a donc le droit de se faire son opinion. Mais nullement d'imposer la sienne aux autres. Parce qu'on ne peut pas SAVOIR. Juste CROIRE. Croire que Dieu existe. Croire qu'il n'existe pas. Ou croire qu'il est préférable de suspendre son jugement sur cette question, en l'absence de certitude. La métaphysique ne présente guère d'intérêt à leurs yeux. Elle est une entreprise vaine, vouée à l'échec. Parce que pure spéculation.

 

Que la raison humaine soit limitée, nul n'en disconvient. L'homme est un être fini, il n'a pas en lui-même la Connaissance de tout ce qui est. La réalité le dépasse - il n'en est qu'une infime partie. Il n'est pas Dieu. Il ne peut tout savoir, tout connaître ; son intelligence est limitée - cela tient aux limites de sa propre nature. Mais comment situer les limites de la raison humaine? Où fixer la frontière entre ce qui est accessible à la raison et ce qui ne l'est pas? Est-il légitime d'affirmer qu'il n'est de connaissance possible que scientifique - ou dit autrement : qu'il n'est de science que positive?

 

Que savons-nous au juste de la raison - de ses capacités et de ses limites?

 

Dans le domaine des sciences, nous découvrons que les possibilités de notre raison sont plus grandes que nous le pensions. "Savoir ce qui est rationnel et le distinguer de ce qui ne l'est pas, cela ne peut se déterminer absolument a priori. C'est le réel qui est seul juge en la matière. Ce qui paraissait irrationnel à telle époque est reconnu rationnel ultérieurement, parce que vérifié. La rontondité de la terre, la circulation de la terre autour du soleil, les antipodes, la filiation des espèces les unes à partir des autres, la théorie ondulatoire, toutes les découvertes scientifiques, en un mot, ont révolutionné une certaine rationalité (...). Il a paru absurde que des hommes se tiennent la tête en bas aux antipodes : cela ne nous paraît plus absurde, parce que nous savons que cela est, et que nous avons réformé notre conception du haut et du bas. La circulation de la terre autour du soleil ne nous donne plus le vertige et nous savons qu'un corps peut en mouvoir un autre sans le toucher (...). En fait, le rationnel, c'est ce qui est. Nous ne préjugeons plus du possible et de l'impossible en science [6]. Nous savons que toute la marche en avant de la pensée scientifique moderne a consisté à renverser une prétendue évidence commune et reçue de la rationalité (...). Nous ne pouvons plus parler de la raison comme d'un organe (...). La raison n'est pas un organon. C'est une exigence, mais une exigence dont nous ne pourrons connaître le dernier mot que lorsque nous aurons achevé la science. Qu'est-ce que la raison? Nous ne pourrons répondre à cette question qu'à la fin de la recherche humaine (...).

 

"Cette position n'implique ni n'entraîne aucun scepticisme en ce qui concerne la raison, ni aucune tentative pour "amollir" la dureté nécessaire de l'exigence rationnelle. Au contraire. Elle veut éviter qu'un dogmatisme plus subtil que le dogmatisme naïf de l'époque précritique ne vienne (...) déterminer a priori des limites à un exercice de connaissance du réel lui-même. L'aventure de la raison, nous n'en connaîtrons la limite, si limite il y a, qu'au terme de l'exploration, si terme il y a. Ce qui est rationnel, ce qui ne l'est pas, c'est le réel qui nous le dira." [7]

 

Si nous savons que la raison humaine a ses limites, nous n'en connaissons pas les contours. Nous savons que la raison est un pouvoir - le pouvoir de penser. Mais nous ne connaissons l'étendu de ce pouvoir qu'en l'exerçant à partir du réel. C'est le réel, à mesure qu'il est connu, qui repousse sans cesse les limites de notre raison.

 

Cela impose au raisonnement métaphysique - s'il veut avoir quelque chance d'atteindre la vérité -, une méthode : rester fidèle à l'enseignement du réel - n'admettre pour vrai que ce qui est conforme à l'enseignement de l'expérience. Si l'on retient cette méthode - qui est la méthode scientifique - ; si l'on utilise, dans notre démarche rationnelle, le réel comme point de départ et si l'on y revient sans cesse comme critère ultime de vérification, pourquoi récuserions-nous la métaphysique? Pourquoi lui dénierions-nous le statut de science? Pourquoi ne parviendrait-elle pas à nous faire connaître, elle aussi, des vérités certaines? De quel étrange mal serait-elle affectée pour être incapable de nous conduire à de plus hautes vérités que celles enseignées par les sciences "dures"? Pourquoi une méthode ayant fait ses preuves en science ne produirait-elle pas aussi de bons résultats en métaphysique?

 

Je peux, si je veux, renoncer à l'exercice de ma raison sur une question que j'estime par avance insoluble - du fait qu'elle nous conduise au dehors du champ de notre connaissance expérimentale, en des zônes où l'on présuppose n'être capable d'aucune certitude rationnelle. Mais "je renonce alors à tout un secteur de l'exercice de ma raison, je renonce à exercer ma raison selon certaines exigences qui lui sont connaturelles. Je dois donc réprimer cette exigence constitutive de ma raison, la refouler, l'interdire. Je fais alors un acte de répression qui, lui, n'est pas conforme à l'exigence intime de mon besoin de rationalité. Je cède à une prudence, ou à un défaitisme de la pensée, qui n'a pas de justification rationnelle contraignante." [8]

 

Si la première position ["La question ne se pose pas"] est dogmatique, trop dogmatique, arbitrairement dogmatique - puisque l'ontologie qu'elle nous impose n'est pas justifiée -, la seconde ["La question est insoluble"] est sceptique, trop sceptique, arbitrairement sceptique - puisque l'on rejette par principe la métaphysique comme une divagation de l'âme inscusceptible de nous communiquer la moindre certitude. Mais il faudrait nous dire pourquoi la raison serait incapable de voir au-delà de la réalité objective - pourquoi la fiancée serait incapable de percevoir l'amour de son fiancé à partir de la réalité empirique des fleurs reçus à son domicile?

 

La réflexion métaphysique n'est pas un jeu arbitraire de l'esprit, un passe-temps d'intellectuels en mal de distractions, mais le mouvement naturel de la pensée humaine s'efforçant de comprendre le donné empirique qu'elle découvre dans l'activité scientifique. Le raisonnement métaphysique peut être conduit avec la même rigueur que les sciences positives - lorsqu'elle leur emprunte leur méthode propre, la méthode déductive [9].

 

A y bien regarder, la position agnostique conduit à brimer la pensée dans son développement au nom d'une idée fausse de la raison qu'on présuppose incapable de connaître des vérités transcendant l'expérience objective. Mais cet agnosticisme lui-même n'est pas respectueux du réel : il ne voit pas que sans cesse, dans sa vie la plus courante, l'homme procède à des raisonnements métaphysiques qui lui donnent de vraies certitudes (par ex. je trouve des lunettes sur mon bureau - je devine que quelqu'un les a laissé là ; j'écoute une oeuvre de Bach - je réalise que cet homme était un génie, alors que je ne l'ai jamais connu ; je vais à un spectacle de marionnettes - je sais bien que ce ne sont pas elles qui parlent, mais des gens cachés qui les meuvent ; je sens un parfum dans une pièce - je découvre qu'une femme y est passée, quand bien même je n'y étais pas pour le constater de visu...)

 


[1] Cf. notre article du 23 décembre 2012, La question fondamentale - absolument première.

[2] Cf. notre article du 23 septembre 2012, Notre vie est un miracle.

[3] Cf. notre article du 3 février 2013, Ceux qui disent que le problème ne se pose pas.

[4] Claude Tresmontant, in Comment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de Dieu, Editions du Seuil 1966, p. 54

[5] Cf. la citation de Claude Tresmontant, Qu'est-ce qu'une pensée rationnelle?

[6] Cf. nos articles du 21 janvier 2012, Du possible au réel? et du 9 avril 2012, Du réel au possible (le vrai mouvement de la pensée humaine).

[7] Claude Tresmontant, in Essai sur la Connaissance de Dieu, Les Editions du Cerf, 1959, pp. 35-37.

[8] Ibid., pp. 33-34.

[9] Cf. notre série d'articles, De la bonne méthode de raisonnement philosophique.

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9 mars 2013 6 09 /03 /mars /2013 00:00

Lorsqu'il s'exprime à propos de l'Eglise (singulièrement dans son ouvrage "Les premiers éléments de la théologie" ), Claude Tresmontant aime à rappeler "qu'elle continue le peuple hébreu. Elle est le peuple hébreu continué", marquant ainsi la continuité de la Révélation qu'elle porte en elle, à charge pour elle de la transmettre à l'humanité entière. L'Eglise est donc d'abord "la nouvelle Humanité en régime de transformation". Dans cette vue, l'Eglise ne saurait donc se réduire à n'être qu'une institution humaine, à l'instar par exemple "de la Caisse d'épargne ou du Parlement", elle est un "fait de création dans l'histoire de la création. Elle est l'ensemble des hommes, des femmes et des enfants, appartenant à toutes les nations et à tous les peuples, à toutes les races." Ce n'est donc pas seulement, ou simplement, une réalité juridique, c'est surtout "l'ensemble des peuples travaillé du dedans par l'information créatrice qui vient de Dieu. Elle est un organisme spirituel... (dans lequel) il faut distinguer l'information créatrice venant de Dieu et l'humanité (la part humaine de l'Eglise) qui reçoit, plus ou moins, l'information qui vient de Dieu ".

 

Il n'est donc pas surprenant que la part proprement humaine de l'Eglise, ne soit "ni pire ni meilleure qu'ailleurs", mais sans doute attend-on d'elle qu'elle soit justement irréprochable, et en tout cas "plus responsable, à cause de l'information reçue (de Dieu)".

 

Cette double nature de l'Eglise ne doit cependant pas conduire à reproduire les mêmes erreurs que celles qui se sont manifestées à propos de la personne de Jésus, vrai homme et vrai Dieu (verus homo vero unitus est Deo, ainsi que le définit le pape Léon le Grand), car l'Eglise ne saurait être seulement divine ou seulement humaine, elle possède deux natures et si "ces deux natures ne sont pas confondues, elles ne sont pas séparées non plus. Il n'y a pas, d'une part, l'Eglise visible, toute humaine, et, d'autre part, l'Eglise invisible, toute divine. Il y a union des deux natures sans confusion."

 

"Si l'on ne discerne pas la nature divine de l'Eglise, c'est-à-dire l'action et la présence réelle de Dieu, son opération immanente, avec la coopération de l'homme, alors on ne peut plus du tout comprendre l'existence même de l'Eglise qui dure depuis bientôt vingt siècles et qui se développe de manière irréversible... La pensée de l'Eglise est un ensemble cohérent qui se développe conformément à l'information initiale constituante... Elle élimine toute doctrine qui n'est pas compatible avec sa propre essence, sa propre nature, sa propre norme constituante..." Bref, l'Eglise transmet sa pensée à travers l'expression de ses dogmes, de "son développement dogmatique" qui n'est pas autre chose que la fidélité "à l'enseignement de la Révélation, de la Bible hébraïque et du Nouveau Testament grec."

 

Voyons maintenant de quelle manière André Frossard témoigne à ce sujet, inondé qu'il fut par cette "lumière enseignante" qui le transforma "de la base au faîte".

 

Ecoutons-le nous "dire" l'Eglise dans cet extrait de son livre "Il y a un autre monde"  :

 

"Ce que je vais vous dire relève de l'expérience et ne doit rien à la théorie... Qui sait où commence et où finit l'Eglise, qui en fait partie, qui en est exclu, ou plutôt, qui s'en exclut, car je n'imagine pas que l'on puisse en être rejeté ?

 

... Elle est d'institution divine, car c'est Dieu qui lui confie les âmes et non le contraire comme le croient certains bureaucrates de sacristie qui trient les enfants à baptiser...

 

Je n'ai jamais eu la tentation de porter sur elle le moindre début de jugement : ce qu'elle a de sainteté dans l'invisible m'impressionne, ce qu'elle a de faiblesses et d'imperfections ici-bas me rassure et me la rend plus proche. Il se trouve que je ne suis pas parfait non plus.

 

Elle m'a paru belle dès le premier jour. Les "chrétiens du berceau" qui m'ont demandé si l'Eglise n'avait pas déçu le jeune converti que j'étais ne se rendent pas compte du contraste renversant qu'elle pouvait former avec le baraquement idéologique de mon enfance, où l'on vivait, je le voyais bien maintenant, de quelques idées chrétiennes détournées de leur fin, coupées de leurs racines naturelles, mises en conserves, et qui faisaient travailler leur couvercle...

 

Mais comment aurais-je rien appris d'utile et de vrai sur l'Eglise? Mes livres, mes Voltaire, mes Rousseau, mes explorateurs de néant philosophique, ne m'en avaient jamais parlé... Mes livres reconnaissaient l'ancienne puissance de l'Eglise, mais c'était pour mieux blâmer l'usage qu'elle en avait fait. Son histoire était celle d'une longue et fructueuse entreprise de domination masquée de philanthropie... Ils citaient volontiers ses inquisiteurs, ses papes guerriers, ses "minets mitrés", mais jamais ses martyrs...

 

Ils se montraient prolixes sur la tête politique de l'Eglise terrestre, et muets sur son coeur évangélique. Je savais tout des comportements despotiques de Jules II, et rien des emportements poétiques de François d'Assise. Ils ne m'avaient pas dit que si l'Eglise en ce monde n'avait pas toujours mené le bon combat, elle avait du moins gardé la foi... Elle savait, elle était seule à savoir, que l'homme est un être qui ne compte finalement que pour Dieu.

 

Non, mes livres ne m'avaient pas dit que l'Eglise nous avait sauvés de toutes les démesures, auxquelles nous sommes livrés sans défense depuis qu'elle n'est plus écoutée, ou qu'elle se tait. Que ses promesses d'éternité avaient fait de chacun de nous une personne irremplaçable... Que ses cimetières n'étaient pas remplis "de gens qui se croyaient indispensables", mais qu'elle y serrait comme un trésor l'impalpable poussière d'où surgiraient un jour les corps ressuscités. Que les seules fenêtres que l'on ait jamais pratiquées dans le mur de la nuit qui nous environne, étaient celles de ses dogmes..."

 

On perçoit bien, à la lumière de ces textes comparés, la convergence totale de vue de nos deux auteurs sur un sujet qui suscite plus souvent la discorde que la concorde... Le fait est d'autant plus remarquable que les voies empruntées pour "dire" l'Eglise ne sont pas les mêmes pour l'un et pour l'autre : réflexion métaphysique fondée sur des données historiques et religieuses pour Claude Tresmontant, témoignage d'une réalité enseignée soudainement et instantanément (parmi d'autres...) au moment de la conversion pour André Frossard.

 

On peut trouver là, personnifié,  un merveilleux exemple de convergence entre la foi et la raison...

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17 février 2013 7 17 /02 /février /2013 20:38

Un lecteur, réagissant à notre article du 15 janvier 2013 sur La question de l'existence de Dieu, m'écrit : "On ne peut séparer le temps de l'univers. Le temps fait partie de l'univers. Parler de création revient à sortir le temps de l'univers et signifier que ce même univers s'inscrit dans un temps où il n'existait pas, pour exister ensuite. Ce n'est pas le temps qui engendre l'univers comme un tout, mais le tout qu'est l'univers qui engendre le temps. Or l'idée de création est intimement temporelle. Ceci pose donc un problème. Tout ce que nous pouvons dire est que l'univers existe et non pas qu'il ait été créé."

 

1. "On ne peut séparer le temps de l'univers. Le temps fait partie de l'univers (...)." Claude Tresmontant ne dit pas autre chose : "Le temps et l'espace sont des dimensions et des mesures du réel. Ils se définissent par rapport à lui. Ils n'existent pas en dehors de lui. Le monde n'est pas 'dans' l'espace, pas plus que 'dans' le temps. L'espace et le temps ne sont pas des réceptacles antérieurs au réel (...). Ce qui existe, c'est le monde et non l'espace [ou le temps]. L'espace [et le temps] ne saurai[en]t se définir antérieurement ni indépendamment du monde existant (...). Le temps et l''espace sont des notions dérivées du monde réel." (C. Tresmontant, Etudes de Métaphysique biblique - désigné ci-après sous l'abréviation EMB -, pp. 26 et 74).

 

Tresmontant se fait ici l'écho de la pensée de Saint Augustin : "Mais, demanderons certains, pourquoi le Dieu éternel a-t-il voulu, un beau jour, faire le ciel et la terre qu'il n'avait fait auparavant? Vous nous demandez pourquoi Dieu n'a pas fait le monde 'avant', mais nous pourrions aussi bien vous demander pourquoi il ne l'a pas fait 'ailleurs' (...)." (Saint Augustin, La Cité de Dieu, XI, 5). Ces deux questions n'ont aucun sens, car avant l'univers, il n'existait ni le temps ni l'espace. Ce qui ne signifie pas qu'il n'y avait rien.

 

2. "Parler de création revient à sortir le temps de l'univers et signifier que ce même univers s'inscrit dans un temps où il n'existait pas, pour exister ensuite.Non. La création postule simplement :

- l'existence d'un Être : puisque l'univers ne peut provenir du néant absolu ;

- qui soit en dehors du temps : puisqu'avant l'univers, il n'y avait pas de temps - ce que la Foi catholique professait bien avant la Science.

 

Un Être en dehors du temps : c'est ainsi que les monothéismes conçoivent Dieu. "Dieu est créateur du temps. Il n'est pas lui-même temporel. Le temps mesure une genèse, et Dieu n'est pas lui-même en genèse." (EMB p. 168)

 

Dieu ne créé pas 'dans' le temps. Il 'créé' le temps. "Je ne vois donc pas comment on pourrait dire que Dieu ait créé le monde APRES un certain espace de temps." (Saint Augustin, op. cit., XI, 6). "La Création du monde a lieu AUJOURD'HUI dans l'éternité de Dieu" (EMB p. 128). "Le temps connote l'acte de création. L'éternité, c'est le point de vue du Créateur." (C. Tresmontant, Essai sur la Pensée hébraïque - désigné ci-après sous l'abréviation EPH -, p. 40)

 

3. "Ce n'est pas le temps qui engendre l'univers comme un tout, mais le tout qu'est l'univers qui engendre le temps." Eh bien justement : c'est ce qui est en question. Vous dites que l'Univers est "le tout (...) qui engendre le temps." Mais est-ce bien vrai que l'Univers soit le TOUT de l'Être "qui engendre le temps"? Si tel est le cas, quel est donc étrange univers, si puissant, si ingénieux, si créateur, sinon une Divinité consciente et intelligente dotée de pouvoirs magiques? N'est-il pas plus raisonnable de penser que l'Univers n'a rien de divin, et qu'il n'est que la manifestation visible de l'Action d'un autre Être, invisible, à qui appartiennent effectivement la puissance, le génie créateur et la plénitude de l'être?

 

4. "L'idée de création est intimement temporelle." Vous touchez là du doigt une vérité fondamentale, à laquelle Claude Tresmontant a beaucoup réfléchi - et sur laquelle il a beaucoup écrit. L'erreur commune est de considérer l'Acte Créateur de Dieu comme un Acte Unique situé au commencement du monde. Mais après la première Création du monde, la Création ne fait que commencer. Elle continue et se poursuit jusqu'à nous. Elle n'est pas achevée : elle se déroule encore, sous nos yeux : "Le monde ne comporte pas un unique, mais de multiples commencements, autant de commencements que d'êtres nouveaux apparus au cours du temps, formes matérielles ou espèces nouvelles successivement et progressivement constituées (...). Le mystère des premiers commencements n'est ni plus ni moins étonnant que celui de tous ces commencements auxquels nous assistons chaque jour, sans nous émerveiller assez." (C. Tresmontant, EMB pp. 80-81). "La création, c'est ce à quoi nous assistons à chaque instant dans le monde. Reléguer la création en un point initial de l'histoire, c'est admettre que rien ne se serait créé, que le réel, figé, se répète depuis lors (...). Cet acte de création est un fait d'expérience, le plus commun, le plus universel et le plus riche d'enseignements métaphysiques. De l'être nouveau, qui ne préexistait d'aucune façon, se crée. C'est ce que signifie le concept de temps. Le temps est un concept qui signifie que tout n'a pas été donné à la fois, mais qu'il y a création d'une réalité nouvelle de manière progressive et incessante, que le réel est en train d'être, petit à petit, inventé. Il signifie que du nouveau est engendré continuellement." (EPH, pp. 25-26)

 

Comme disait le Père Teilhard de Chardin : nous ne sommes pas en cosmos statique, mais en cosmogénèse. "L'univers, s'il est né, n'est pas né dans son état actuel, puisque précisément depuis des milliards d'années des réalités nouvelles ne cessent de se former et d'apparaître. La naissance de l'Univers et de tout ce qu'il contient est essentiellement progressive (...). Si on reconnaît que l'univers est actuellement en genèse, et qu'il est en genèse depuis le moment où il entre dans le champ de notre connaissance scientifique, on reconnaît la temporalité essentielle de l'univers, et l'on est amené à reconnaître progressivement, sans heurt ni saut dans l'absurde, que l'ensemble de la réalité a été inventé progressivement (...). Si le temps signifie que la création est en train de se faire et s'il est la mesure de cette création en acte, quand il n'y avait pas de création il n'y avait pas non plus de temps. De même, quand la création sera parvenue à son achèvement, il n'y aura plus de temps (...). Le commencement de la création a été aussi le commencement du temps. L'achèvement de la création, le plérôme, sera la fin du temps." (EMB, pp. 51 ; 57 ; 73).

 

En conclusion : "Tout ce que nous pouvons dire est que l'univers existe et non pas qu'il ait été créé." Non. Tout ce que nous pouvons dire est que l'univers est en régime d'évolution ; et que cette évolution est créatrice - pour reprendre l'expression d'Henri Bergson. S'il y a du temps, c'est qu'il y a création. S'il n'y avait pas de création, il n'y aurait pas de temps.

 

Puisque la création - qui est une réalité objective - ne peut être le fait de l'Univers lui-même (sauf à lui conférer, contre toute expérience, des attributs divins), c'est qu'elle vient de Dieu.

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16 février 2013 6 16 /02 /février /2013 00:00

Outre les similitudes notées dans ce que furent leurs vies respectives, on peut également relever tant chez Claude Tresmontant que chez André Frossard, des convergences de vue quant à la manière de " dire " le christianisme au milieu et à la fin du XXème siècle.

 

Grâce à son érudition exceptionnelle, Claude Tresmontant a su montrer de quelle manière la terminologie essentielle du christianisme avait glissé, au fil du temps, dans le faux sens, le contresens, et le non sens, engendrant de la sorte une mauvaise compréhension de ce qui est au coeur de la Révélation chrétienne.

 

Dans l'avant-propos de son ouvrage "Les Premiers éléments de la théologie", il relève ainsi : "La théologie chrétienne a maintenant bientôt vingt siècles, les mots ont changé de sens. Dans le passage de l'hébreu au grec, du grec au latin, du latin aux langues des nations païennes, des notions qui avaient un sens en hébreu, ont pris un tout autre sens."

 

Et de citer, par exemple, des notions aussi usitées que celles de Foi, de Mystère, d'Incarnation, de Fils au sein de la Trinité, Trinité qui n'est plus parfaitement comprise elle-même...

 

Il en résulte une vision revigorée du christianisme, parfaitement orthodoxe sur les questions fondamentales, permettant de pointer le danger découlant d'une catéchèse routinière et trop souvent superficielle. On ne peut ignorer, par exemple, qu'un grand nombre de catholiques pratiquants considèrent la Trinité comme un ensemble de 3 individus divins formant un Tout en forme de synthèse permettant de parler de Dieu au singulier, alors qu'en fait, ils ont une approche tri-théiste.

 

Cette "remise aux normes" du christianisme suppose pour Claude Tresmontant qu'on se réfère au vocabulaire hébreu et, plus encore, qu'on intègre la façon de penser du judaïsme pour redonner du lustre à ce rameau singulier du monothéisme dans lequel la Révélation s'achève de manière définitive.

 

Pour André Frossard, l'approche est différente, elle résulte de son expérience mystique, mais le résultat est le même, ou peu s'en faut, elle revivifie le christianisme en soulignant ce qu'il révèle de la douceur de Dieu, de sa tendresse, de son amour, Lui qui n'est "qu'effusion pure".

 

Il y a du Saint Jean de la Croix chez André Frossard. Si la terminologie est contemporaine (et pour cause!), elle fait toute sa place à l'expression poétique lorsqu'il s'abandonne pour nous communiquer ce qu'il reçu d'un coup ce 8 juillet 1935. Il n'est que de lire ce magnifique ouvrage qu'est "L'Art de croire" pour s'en convaincre.

 

Le chrétien catholique ne peut qu'être ému et conforté dans sa foi lorsqu'il lit, par exemple, de la part de celui qui a vu : "Quand on SAIT qu'il n'y a, et qu'il n'y aura jamais sur la terre d'autre espérance pour les hommes que l'espérance chrétienne, on le DIT." Ou encore : "En quittant la chapelle de la rue d'Ulm, je savais quatre choses, et c'est peu dire, je voyais QUATRE EVIDENCES qui n'ont pas fini de m'étonner :

- il y a un autre monde ;

- Dieu est une personne ;

- nous sommes paradoxalement sauvés et à sauver ;

- l'Eglise est d'institution divine."

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9 février 2013 6 09 /02 /février /2013 14:50

Arnaud Dumouch, professeur de religion et de théologie catholique en Belgique, nous introduit, dans une admirable série de clips, à la philosophie réaliste héritée d'Aristote et de Saint Thomas d'Aquin - tradition dans laquelle notre cher Professeur, Claude Tresmontant, s'inscrit résolument. Il nous livre ainsi les clefs pour comprendre les rouages de la pensée de Claude Tresmontant.

 

Dans cette neuvième vidéo, Arnaud Dumouch nous explique les rouages de la pensée idéologique - ennemi juré de la philosophie réaliste.

 

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