Retour sur l'intense disputatio avec Loïc, en commentaire de l'article "Ceux qui disent que le problème ne se pose pas". Compte tenu de la richesse de cet échange, et parce qu'il nous permet d'entrer dans le fond de la pensée de Claude Tresmontant, nous le reproduisons ici en une série d'articles qui nous permettra d'isoler les thématiques et de les approfondir au besoin.
Commentaire n°4 :
"Vous pouvez dire : "l'univers est éternel" si cela vous chante, mais cette affirmation ne correspond à rien en science positive (...). Pourtant l'Être éternel existe nécessairement, car autrement, cela reviendrait à affirmer la primauté du néant ("au commencement était le néant"...) et la génération spontanée de l'être - qui ne correspond à rien non plus sur le plan scientifique. Donc, si l'on veut être rationnel (mais on peut décider de ne pas l'être...), il faut postuler l'existence nécessaire d'un Être éternel, lequel ne peut être l'univers. La conclusion vous déplaît, mais je n'y peux rien."
>> 1) Je vous invite à vous pencher sérieusement sur les travaux d'astrophysique pour réaliser l'étendue de notre ignorance dans ce domaine, pour le seul univers observable. 2) Nous ignorons ce qu'il y a derrière le mur de Planck. 3) Vous confondez allégrement création au sens théologique et création au sens scientifique, alors que les deux concepts n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Souvenir de Lemaître faisant la leçon à Pie XII sur ce point... 4) Même en oubliant mes trois premières objections, il reste une objection rationnelle toute bête : l'univers ne peut pas être l'être éternel selon votre conception de ce dernier, c'est-à-dire une conception essentiellement statique et fixiste. Pourquoi pas un "être éternel" dynamique et mouvant, comme un immense et éternel flux et reflux ?
"Je n'ai jamais dit que : "on" ne peut pas tirer quelque chose à partir du néant. Si "on" existe, ce n'est déjà plus le néant. Ce que je dis, c'est que : rien ne peut naître du néant absolu (où "on" n'existe pas - ou rien n'existe du tout, même pas Dieu). Si néant absolu il y a (c'est-à-dire : négation de tout être), jamais il ne pourra y avoir quelque l'être - car l'être ne peut jaillir spontanément du néant ; seul l'être peut rendre compte de l'être. Si Dieu existe, l'être du monde devient possible - car au commencement, il n'y a pas le néant, il y a l'Être."
>> Ce petit jeu peut durer longtemps, vous savez : si le néant ne peut pas produire l'être, alors d'où vient Dieu ? Et si vous admettez que quelque chose peut exister de toute éternité sans antécédent causal, alors pourquoi ne pas prendre l'univers ? Parce que ça ne satisfait pas votre conception statique et fixiste de l'être premier ?
"Dieu ne créé pas à partir de sa propre substance - car si nous avions la substance divine, nous serions éternels, l'univers serait éternel. Dieu créé à partir de rien. Nous ne pouvons certes pas le comprendre a priori, mais simplement le constater a posteriori, en observant que l'univers n'a rien de divin. Nous voyons bien que l'être créé n'a pas la nature d'un Être incréé (éternel, infini, stable, immuable, inusable - sans genèse ni corruption) ; nous voyons bien qu'il n'est pas de la même substance que celle d'un Être incréé. La substance de l'être créé n'est pas celle de l'Être divin éternel et infini, mais celle d'un être qui a commencé d'être, et qui n'existait donc pas avant d'être. Avant d'être, il n'était rien ; il vient donc de rien - du néant, il est tiré. Mais comprenez bien cher Loïc qu'être créé DE rien ne signifie pas être créé PAR rien. Car si nous avons été tirés du néant, vous et moi, nous ne sommes pas le fruit du néant, mais de l'amour (à tout le moins celui de nos parents qui nous ont conçu)."
>> Vous mélangez beaucoup de choses, ici. D'abord, au risque de vous déciller, tous les enfants n'ont pas nécessairement été désirés, bref, non, tous les enfants ne sont pas le "fruit de l'amour" et loin de là. Par ailleurs, je ne vois pas le rapport direct avec l'univers. Vous m'expliquez l'air de rien que Dieu crée à partir de rien, après avoir martelé que la création ex nihilo n'était pas possible. Ah mais j'oubliais, il s'agit de Dieu, tout-puissant par définition et donc capable de contrevenir aux règles élémentaires de la logique... sur laquelle vous vous appuyez pour affirmer son existence. Circularité, quand tu nous tiens. (Et vous y tenez !)
"lol. Où avez-vous lu sous ma plume que "Dieu existe parce que c'est écrit dans la Bible"???"
>> Vous ferais-je l'affront de vous citer ? "Or, dans la révélation biblique, nous avons des réponses à cette question du Dessein créateur de Dieu" écriviez-vous dans votre précédent commentaire : parler comme vous le faites de "révélation biblique" implique bel et bien de considérer la Bible comme une preuve de l'existence de Dieu. Toujours la circularité.
"M'est avis que vous avez très mal lu ce livre qui ne parle pas de Jésus de Nazareth!"
>> Ah bon ? Dans ce bouquin, Tresmontant parle pourtant bien du Christ comme preuve "objective" (rien que ça) de l'authenticité de la révélation divine, j'ai dû mal comprendre...
"Et ça, ce n'est pas faire de la métaphysique?"
>> Absolument pas. C'est envisager scientifiquement un scénario possible de l'apparition de l'univers. C'était d'ailleurs à mon avis le seul objectif de Hawking dans cette histoire, en réponse aux interprétations théologiques foireuses qui pullulent depuis que la théorie du Big Bang a reçu ses lettres de noblesse : montrer que rien n'interdit, scientifiquement parlant, d'envisager l'univers tel que nous le connaissons aujourd'hui, comme acausal.
"Eh bien vous admettez que l'Être éternel existe nécessairement ; que l'être existant est nécessairement éternel. Cela ne vous pose aucune difficulté. La différence entre nous, c'est que vous considérez que cet être éternel est l'univers lui-même. Vous l'affirmez contre l'enseignement des sciences expérimentales. C'est votre droit. Vous avez le droit de croire en l'éternité de l'univers ; croire que demain, on découvrira l'éternité de l'univers. Mais c'est là un pur acte de foi - non le résultat d'un savoir scientifique. L'éternité de l'univers est une pure supposition qui ne repose sur rien de tangible en science positive. Rien de ce que nous savons aujourd'hui de l'univers n'accrédite la thèse de l'éternité - loin s'en faut. Les grandes découvertes du siècle passé nous éloignent même de plus en plus de l'hypothèse d'un univers éternel."
>> En toute rigueur, ce que montre la "science positive", c'est que l'univers observable est le fruit d'une explosion qui s'est produite il y a plusieurs milliards d'années, point. Nous ignorons l'origine de cette explosion. Nous ignorons si elle constitue un quelconque "commencement" ou si elle marque simplement l'étape d'un cycle ou le résultat d'un choc entre deux branes, ou autre chose. Aussi je vous trouve bien affirmatif et surtout fort cavalier avec la "science positive".
"Pour autant, avons-nous dit, l'Être éternel existe nécessairement, car autrement, cela voudrait dire que l'être de l'univers a jailli spontanément du néant. Puisque l'être de l'univers n'est pas éternel et que l'Être éternel existe nécessairement, c'est donc que ce dernier est autre que l'univers. C'est cet être autre que l'univers qui existe nécessairement de toute éternité que nous nommons Dieu - mais si le mot vous gène, on peut en changer."
>> Ce qui me gêne, c'est la légèreté avec laquelle vous sautez à des conclusions, en confondant joyeusement les registres : vous passez du Big Bang (qui est une théorie scientifique) à la création (qui est une théorie théologique) et de la création à l'existence nécessaire de Dieu (le chrétien, évidemment, mais pourquoi pas celui des musulmans ou des gnostiques ?).
"Non justement, et tout est là. Vous avez parfaitement raison de dire que l'univers ne peut produire "plus" que lui-même. C'est pourtant ce que nous observons. Quand le vivant par exemple apparaît, il n'existait pas auparavant. Il est apparu, on ne sait comment. Il est né... dans un monde de matière inerte. Mais comment donc la matière inerte a-t-elle pu faire jaillir de la matière vivante et pensante? C'est toute la question. OU BIEN c'est l'univers lui-même qui a créé les messages génétiques (qui sont des télégrammes géants contenant de l'information faisant sens et commandant à la construction des êtres vivants et pensants). Mais alors l'existence même du message fait problème. Comment la nature s'y prend elle pour écrire des messages? OU BIEN l'univers est le "support" où un message est écrit par une Pensée capable de le concevoir. J'ai la faiblesse de penser que c'est cette seconde option qui est la plus rationnelle - quoiqu'elle soit, j'en conviens, mystérieuse. Mais entre le mystère et l'absurde, je choisis pour ma part le mystère, car il est absurde que l'absurde soit."
>> Trois remarques : 1) Il n'y a aucune différence de nature entre matière inerte et matière vivante. La seule différence se situe au niveau de la structure, de l'organisation. Et la science positive nous a donné une théorie empiriquement corroborée pour expliquer comment la matière vivante a émergé : l'évolution. 2) Vous oubliez (volontairement ?) deux facteurs de taille dans le processus évolutif ayant présidé à l'apparition des gènes : a) le temps. Les gènes n'ont pas surgi tout faits un beau matin, il a fallu quelques milliards d'années. Pourquoi une telle durée si Dieu est derrière tout ça ? et b) l'aléatoire. Si vous avez le coeur bien accroché, je vous suggère d'explorer les annales médicales pour découvrir les innombrables anomalies génétiques dont peut souffrir un être humain (pour nous en tenir à notre seule espèce). Là non plus, ce n'est pas vraiment ce qu'on attendrait d'un Dieu à la fois intelligent et aimant. En revanche, c'est exactement ce qu'on peut espérer d'une nature aveugle. 3) "[...] car il est absurde que l'absurde soit" : conclusion sublime qui signe bien tout à la fois le narcissisme et le tragique humains. Moi aussi, Matthieu, j'aimerais beaucoup être un "enfant de Dieu" plutôt qu'une moisissure vertébrée sur une planète perdue dans les confins de l'univers, mais contrairement à vous, je ne fais pas de ce désir un roc rationnel pour édifier un château métaphysique. Je vous devine assez cultivé pour avoir lu d'autres auteurs que Tresmontant : Schopenhauer, Nietzsche, Freud, par exemple, tous trois ayant bien fait le tour des illusions que nous pouvons nous jouer à nous-mêmes.
Réponse :
1. Nous ignorons ce qu'il y a DERRIERE le mur de Planck, mais nous savons ce qu'il y DEVANT. Cela suffit pour fonder une analyse rationnelle consistante et solide du donné de notre expérience.
2. George Lemaître a eu raison de mettre Pie XII en garde contre une assimilation trop rapide du Big Bang au Fiat Lux du livre de la Genèse (car la Création ne commence peut-être pas avec le Big Bang). Mais il n'était pas métaphysicien, et c'est à tort qu'il invitait le pape à dissocier la science et la foi. Car le Dieu en lequel croient les chrétiens est Celui-là même qui a fait le ciel et la terre - le ciel et la terre mêmes qu'observent les savants. S'il convient de bannir le concordisme (= la théologie imposant à la science ce qu'elle doit dire), il est légitime, du point de vue de la foi, de se réjouir qu'il existe de fait une cohérence admirable entre ce que nous enseigne la Révélation de l'Acte créateur de Dieu, et ce que l'on observe dans la nature (= la théologie accueillant les découvertes de la science).
Si la théologie ne peut rien apporter à la science, la science, elle, apporte ses découvertes à la théologie qui s'en nourrit et les intègre dans sa réflexion - au nom de l'unité de la vérité.
3. Si l'univers est le seul être, il ne peut pas changer. Pourquoi? Parce que s'il est seul, il a en lui tout ce qu'il faut - il est l'être absolu : TOUT est en lui, et RIEN n'est en dehors de lui.
- S'il a tout ce qu'il faut, il ne peut se donner plus que ce qu'il a - puisqu'il a TOUT. Il ne peut donc croître ni s'enrichir - comme l'on voit l'univers croître et s'enrichir au fil de son histoire.
- S'il n'a pas tout, il ne peut se donner ce qu'il lui manque, puisqu'il est le seul être : où trouverait-il en effet ce qu'il lui manque, puisqu'en dehors de lui, il n'y a RIEN?
Conclusion : si l'Univers change, si son être s'enrichit avec le temps et croît en information, c'est qu'il reçoit son être d'un autre que lui. Il n'est donc pas le seul être.
En admettant maintenant que l'être de l'univers soit "un immense et éternel flux et reflux" - ce que la science n'envisage nullement (dans un univers gouverné par l'entropie et dans lequel la réversibilité n'est nulle part constatée) - la question de l'origine de son être se pose dans les mêmes termes que dans le cas d'un univers unique évoluant de manière irréversible (sauf que le problème est multiplié...), à cause du raisonnement que je viens d'exposer plus haut. Si l'univers est éternel, il faut rendre compte rationnellement du dynamisme qui le meut et par lequel il advient progressivement, de manière cyclique, ce qu'il n'était pas au départ - dynamisme créateur et intelligent puisqu'aboutissant à cette merveille de complexité qu'est le cerveau humain.
4. "si le néant ne peut pas produire l'être, alors d'où vient Dieu?" Dieu ne "vient" pas de quelque part. Dieu EST. Il est l'Être - la Consistance infinie et éternelle - à la racine de tout être - car à la racine de tout être, il y a l'Être, non pas le néant.
"Et si vous admettez que quelque chose peut exister de toute éternité sans antécédent causal, alors pourquoi ne pas prendre l'univers? Parce que ça ne satisfait pas votre conception statique et fixiste de l'être premier?" Parce que je ne veux pas diviniser la matière, et lui accorder plus que ce que les sciences positives en observent (un pouvoir créateur occulte, une intelligence ordonnatrice productrice de lois). Je ne veux pas revenir à une conception préscientifique de la nature et de nos origines. Je ne suis plus un enfant ; je ne crois plus aux contes de fées. Je crois en ce que me dit la science et ne veux rien ajouter à la matière telle qu'elle me la décrit - ni intelligence immanente, ni puissance créatrice. De même que lorsque l'enfant parvenu à l'âge de raison finit par rejeter le Père Noël lorsqu'il découvre qu'en réalité, c'est son père qui a disposé les cadeaux dans la cheminée ; de même, je rejette la conception mythique d'un univers aux pouvoirs magiques lorsque ma raison découvre qu'en réalité, c'est Dieu mon Père qui a disposé tous ces trésors que j'observe dans la Nature - et à l'intérieur de moi-même.
5. "Vous m'expliquez l'air de rien que Dieu créé à partir de rien, après avoir martelé que la création ex nihilo n'était pas possible". Je n'ai rien "martelé" de tel. Ce que je dis, c'est que le Néant, le Néant ABSOLU (qui est la négation de TOUT être - y compris l'être de Dieu) ne peut pas être à l'origine de l'être de l'univers. C'est impossible et irrationnel. Mais avant qu'apparaisse l'univers, celui-ci n'existait pas - comme vous et moi n'existions pas avant d'être conçus dans le sein de nos mamans. Nous avons donc bien été tirés DU néant (ex-nihilo) - puisque nous n'avons pas toujours existé - mais non pas PAR le néant (per-nihilo) : par quelqu'un de bien réel, un Être existant nécessairement, à qui nous devons la vie - et qui ne s'identifie nullement à l'Univers puisqu'il existait déjà lorsque l'Univers, lui, n'existait pas encore. Il n'y a là, comme vous le voyez, aucune contravention "aux règles élémentaires de la logique".
6. "parler comme vous le faites de "révélation biblique" implique bel et bien de considérer la Bible comme une preuve de l'existence de Dieu." Pas du tout. Mon raisonnement se décompose en deux temps bien distincts.
1°) L'existence de Dieu est connaissable par la raison seule, sans l'aide de la Révélation.
Très bien, allez-vous me dire. Mais en affirmant cela, vous ne résolvez rien : vous épaississez au contraire le mystère en posant un Être dont on ne peut pas dire grand chose.
A cela je réponds dans un DEUXIEME TEMPS (présupposant donc admis le premier) :
2°) l'existence de Dieu étant connue par la raison seule, il est possible de pénétrer le mystère de cet Être premier que la raison découvre en écoutant ce que Lui-même nous dit de Lui dans sa Révélation.
Dans le premier temps donc, je connais par ma raison seule une EXISTENCE (celle d'un Être absolu distinct de l'Univers). Dans un second temps je reconnais par la foi une ESSENCE (l'identité profonde de cet Être - je peux lui donner un nom : je sais QUI il est) que Dieu me révèle et que je ne peux connaître qu'en croyant ce qu'il me dit.
Le lien entre ces deux temps sera établi lorsque l'on se sera assuré de l'authenticité de la Révélation divine faite à Israël et accomplie dans le Christ - ce qui relève encore, en droit, de la raison. La démonstration philosophique de l'authenticité de la Révélation a été admirablement apportée par Claude Tresmontant dans son maître-ouvrage que je vous ai recommandé : "Le problème de la Révélation".
7. "Dans ce bouquin, Tresmontant parle (...) bien du Christ comme preuve "objective" (...) de l'authenticité de la révélation divine". Outre que d'un point de vue apologétique, cela est fondamentalement pertinent (cf. "Hypothèses sur Jésus"), je vous assure qu'il n'est nullement question du Christ dans "Le problème de la Révélation" - qui traite du phénomène Israël et lui seul - sauf dans les trois dernières pages de conclusion, pour affirmer que Jésus-Christ est en sa personne l'accomplissement de cette révélation dont l'authenticité a été précemment et par ailleurs démontrée. On ne peut donc réduire le message de ce livre en disant : "Tresmontant prouve l'authenticité de la Révélation divine par le Christ"!
8. "le seul objectif de Hawking (...) : montrer que rien n'interdit, scientifiquement parlant, d'envisager l'univers (...) comme acausal". Cela, personne ne le conteste - surtout pas les croyants. L'univers n'a pas de cause scientifiquement repérable. Il n'a pas de cause, scientifiquement parlant. Est-ce à dire qu'il n'a pas de cause du tout, métaphysiquement parlant? Il me semble qu'il y a entre les deux propositions un fossé que franchit allègrement Hawking, pour qui rien ne semble exister en dehors de la science - ce qui est un présupposé... métaphysique.
9. Pourquoi le Dieu chrétien et pas celui des musulmans ou des gnostiques? Réponse : Comment savoir si Dieu existe et quelle est la vraie religion?
10. "Il n'y a aucune différence de nature entre matière inerte et matière vivante. La seule différence se situe au niveau de la structure, de l'organisation." C'est là ce qu'on appelle en philosophie une pétition de principe. Ce n'est en effet ni une vérité évidente (il n'est pas évident qu'il n'y ait pas de différence de nature entre une pierre et Einstein), ni une vérité démontrée (au contraire : on n'a jamais pu reconstituer en laboratoire le phénomène de la vie à partir de la matière inerte - ce qui montre que la vie reste un mystère qui nous échappe).
En vérité, avec la matière vivante, nous voyons surgir une nouveauté dans l'être : une réalité immatérielle, l'âme (ou psychisme). Tous les êtres vivants ont en commun de renouveler constamment et intégralement le stock de matière constituant leur corps physique - et cependant, il est un élément permanent qui transcende cette matière en renouvellement perpétuel : l'âme (ou psychisme), c'est-à-dire le principe organisateur de la matière. Il n'est donc pas légitime de chercher à réduire la réalité vivante à sa seule composition physique et chimique. "Ce qui est essentiellement du domaine de la vie et ce qui n'appartient ni à la chimie ni à la physique ni à rien autre chose, c'est l'IDEE directrice (...) qui se développe et se manifeste par l'organisation. Ici, comme partout, TOUT DERIVE DE l'IDEE qui elle seule créé et dirige... C'est toujours cette même idée vitale qui conserve l'être." (Claude Bernard, in "Introduction à l'étude de la médecine expérimentale").
11. "Les gènes n'ont pas surgi tout faits un beau matin, il a fallu quelques milliards d'années. Pourquoi une telle durée si Dieu est derrière tout ça?" Parce que cela convient aux créatures. La durée est la dimension propre aux natures créées. Cf. Dieu, la Création et le temps.
J'ajoute que si le hasard peut rendre compte d'un ordre accidentellement obtenu (et encore, vos milliards d'années - qui représentent peu de choses à l'échelle supposée de l'éternité - font du surgissement du cerveau humain - par exemple - un véritable miracle), il ne peut suffire à expliquer l'existence de messages intelligibles se recopiant eux-mêmes et transmettant leur information. "On obtient en laboratoire la synthèse spontanée des éléments, les lettres de l'alphabet ou les mots. Mais le problème de fond reste entier : comment, avec ces éléments, la nature réalise-t-elle des télégrammes qui ont un sens, des messages qui contiennent de l'information, et quelle information! Tous les renseignements requis pour composer un être vivant, avec ses milliards de cellules différenciées qui travaillent de concert, un psychisme programmé..."(Tresmontant)
12. "je vous suggère d'explorer les annales médicales pour découvrir les innombrables anomalies génétiques dont peut souffrir un être humain (...). Là non plus, ce n'est pas vraiment ce qu'on attendrait d'un Dieu à la fois intelligent et aimant. En revanche, c'est exactement ce qu'on peut espérer d'une nature aveugle." Cher Loïc, on ne peut rien "espérer" d'une nature aveugle. Aucune organisation, aucune intelligence, aucun message. Comme disait Einstein, on ne peut attendre d'une nature aveugle que du chaos. Cf. La structure intelligente de l'univers. Autrement dit : si le mal est un problème pour le croyant - dont il lui faut rendre compte du point de vue de sa foi -, le bien (l'ordre, l'organisation, la vie, la pensée...) est un problème pour le matérialiste non croyant - que le hasard seul ne peut suffire à expliquer.
Si le problème du mal est le grand problème qui traverse l'humanité, Dieu nous en a donné quelque lumière dans sa Révélation. Cf. Dieu et le mystère du mal.