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15 juillet 2012 7 15 /07 /juillet /2012 00:00

Dans son ouvrage de référence, Identité et Réalité, Emile Meyerson fait l'inventaire des résultats de la méthode déductive appliquée à la physique. Ses conclusions sont sans appel.

 

Au sujet de Descartes, Meyerson observe que "Toute tentative de déduction totale de la nature est restée lamentablement vaine. L'oeuvre de Descartes constitue sans doute l'effort le plus prodigieux que l'humanité ait tenté dans cet ordre d'idées. Devant cette construction colossale, cyclopéenne, on se sent pénétré d'un respect presque religieux. Mais hélas! ce palais est une ruine irrémédiable. Qui croit encore aux tourbillons cartésiens, aux trois matières élémentaires ou aux parties cannelées, toutes choses pour lesquelles il réclamait une 'certitude plus que morale'?" [1]

 

Meyerson évoque aussi le travail de Kant et des post-kantiens : "L'impuissance de la déduction pure éclate aussi dans l'oeuvre de Kant... Cependant, c'est sans doute l'oeuvre des métaphysiciens allemands de l'époque immédiatement postérieure qui offre la plus belle démonstration de la stérilité des spéculations aprioriques dans la science. Rien de plus instructif à cet égard (pour ne choisir qu'un petit nombre d'exemples particulièrement frappants) que les déductions de Schelling sur l'évaporation et la condensation de l'eau et sur l'ellipse comme trajectoire des corps célestes, celles de Hegel sur la réflexion et la polarisation, sur la nature de la lumière, sur le ralentissement des oscillations du pendule sous l'équateur, sur l'acide carbonique que la potasse 'produit dans l'air pour s'en saturer ensuite' ou sur la nécessité d'une lacune dans le système planétaire entre Mars et Jupiter"... [2]

 

Au final, "Quels ont été, au point de vue de la science, les résultats des efforts de déduction tentés par tant et de si puissants esprits?..." [3] La réponse s'impose d'elle-même : nuls ; absolument nuls... 

 

Dans notre recherche de la vérité sur le monde et la nature, sur le sens de notre vie, il faudra utiliser une autre méthode que la méthode déductive : la méthode qui lui est radicalement opposée, dite inductive, qui exclut méthodologiquement tout a priori - tout préjugé sur le réel et le possible -, et qui prend comme point de départ de la réflexion philosophique non point la pensée du philosophe, les concepts forgés par son esprit, sa vision subjective du monde, mais le réel objectif exploré scientifiquement - et analysé rationnellement.

 

 


[1] Emile Meyerson, in Identité et Réalité, p. 457 - cité par Claude Tresmontant, in Les métaphysiques principales, François-Xavier de Guibert 1995, p. 280.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

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V
<br /> Dans le domaine des sciences de la nature,  où des observations supplémentaires sont possibles et nécessaires pour vérifier les hypothèses, la méthode déductive  est entièrement stérile<br /> ; mais en philosophie,  qui s'appuie  sur l'expérience déjà accumulée  pour en donner une interprétation cohérente,  l'observation n'est pas aussi nécessaire,  ni même<br /> seulement possible.  En mathématiques comme en logique,  c'est le réexamen des concepts  et la vérification du raisonnement qui permettent d'améliorer les conclusions, voire<br /> d'inventer de nouvelles façons d'interpréter l'expérience connue.  Et il y a des énoncés dont, à un moment donné, on ne peut pas imaginer qu'ils soient faux, ce qui est dangereux dans la<br /> mesure où on les a peut-être déduits de concepts contradictoire ou arbitraires,  mais qui en tous cas, dans la mesure où on ne peut pas imaginer qu'ils soient faux, ne se prêtent pas à la<br /> définition de l'expérience cruciale -- l'observation qui pourrait les réfuter -- qui caractérise la méthode expérimentale.<br /> <br /> <br /> Ce qui définit la démarche scientifique, c'est donc le va-et-vient des hypothèses et de leur confrontation avec les moyens de vérification, et de ces moyens de vérification les règles de la<br /> logique --qui sont a priori-- font nécessairement partie. Il appartient au savant de savoir si l'observation expérimentale fait partie de ces moyens de preuve, mais ce n'est pas toujours le<br /> cas. <br /> <br /> <br /> On a beau jeu de se moquer de Descartes qui,  comme le rappelait notre bon Maître,  avait féit savoir que tout son système s'effondrerait si Harvey avait raison sur la circulation du<br /> sang -- parce que cette circulation est un fait maintes fois observé ; cependant, il est tout aussi vraisemblable que le système de Descartes reposait sur des postulats voués à demeurer<br /> arbitraires vu les moyens d'observation de son temps, sur des concepts contradictoire et sur des déductions injustifiées : en somme que, Descartes, comme Sartre, n'était pas seulement ignorant de<br /> la science de son temps,  mais aussi un mauvais philosophe.<br />
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