Bonjour à tous.
Sachez que je suis très heureuse de me trouver parmi vous. Je remercie infiniment Monsieur Boucart et Monsieur Marie d’avoir créé un site consacré à Monsieur Tresmontant, mon maître spirituel.
J’ai beaucoup de chances de l’avoir côtoyé à la Sorbonne au début des années 80. Pendant trois ans, j’ai régulièrement assisté à ses cours : une conférence publique hebdomadaire, un cours destiné aux étudiants préparant une licence en philosophie et un séminaire pour les étudiants en maîtrise et en doctorat.
Mon directeur d’étude m’appelait ‘Mademoiselle Tresmontanienne’, car je n’avais que Monsieur Tresmontant dans ma tête – j’ai cité plus de cinquante fois ses ouvrages dans mon mémoire de maîtrise en philosophie. Il est vrai qu’à l’époque, j’étais remplie de la pensée tresmontanienne de la tête aux pieds, mais je n’étais pas la seule. Autour de moi, à ma connaissance, il y avait plusieurs centaines de ‘fidèles’ qui le vénéraient et qui ‘se nourrissaient’ de son enseignement… Dans ses cours à la Sorbonne, il y avait plus d’auditeurs libres que d’étudiants officiellement inscrits – tous âges confondus, de 20 à 90 ans.
J’étais heureuse de me trouver parmi ses disciples ‘privilégiés’. Monsieur Tresmontant avait la coutume d’inviter une poignée d’étudiants, après le séminaire du mardi après-midi, dans un café, place de la Sorbonne, pour discuter pendant une heure. Je suis capable de me souvenir, comme si tout s’était passé il y a quelques jours, de ses yeux, de son sourire, de sa voix, de ses plaisanteries, ainsi que de la tasse de café que Monsieur Tresmontant commandait toujours sans pourtant jamais boire une seule gorgée, de sa pipe, de son gros sac en cuir de plombier posé sur ses genoux contenant la ‘Bibliothèque hébraïque’, c’est-à-dire la Bible en hébreu, la Septua Ginta, la καινὴ διαθήκη, le Nouvum Testamentum, l’Enchiridion Symbolorum Definitionum Declarationum, la Conciliorum Decumenicorum Decreta et je ne sais quoi d’autres, probablement le Thayler’s Greek-English Lexicon of the New Testament…
C’est lui qui m’a initié à l’hébreu biblique. C’était la première année qu’il enseignait l’hébreu biblique à ses étudiants en maîtrise et en doctorat. Pendant le séminaire, il nous expliquait ses découvertes récentes sur le ‘Livre de la Nouvelle Alliance’, c’est-à-dire le Nouveau Testament. Pour le suivre, il nous fallait au moins une connaissance élémentaire de l’hébreu biblique.
Le cours pour les étudiants en licence portait sur la philosophie médiévale. Nous avons commencé par étudier la Summa Theologica, I, 1a, qn 1-11 de Saint Thomas d’Aquin que Monsieur Tresmontant appelait ‘Frère Thomas’. Il lisait d’abord le texte en latin et immédiatement après, le traduisait lui-même en français. Il citait souvent des passages de Symbolorum Definitionum Declarationum et de Conciliorum Decumenicorum Decreta et les traduisait en français. Il nous lisait aussi la ‘Bibliothèque hébraïque’, la Septua Ginta et la καινὴ διαθήκη et nous les traduisait en français.
Chaque fois, nous avons été impressionnés par ses connaissances et compétences en langues classiques. Mais bien entendu, ce n’était pas seulement ses capacités en langues qui nous fascinaient, mais sa façon de nous expliquer des textes si difficiles et complexes dans un langage simple et concret, en nous parlant en même temps des données scientifiques en astrophysique, en génétique et en neuroscience, sans oublier de nous faire rire par ses plaisanteries sophistiquées… Nous étions éblouis de son intelligence inouïe – hypnotisés, pour ainsi dire, par sa grandeur. Nous avons admiré sa beauté physique et sa personnalité si douce et agréable. Bref, peu de personnes étaient indifférentes à ses charmes.
Je vais arrêter ici pour aujourd’hui. J’ai l’intention de partager mes souvenirs de mon maître avec vous. Je vais le faire petit à petit en relisant mes cahiers universitaires de l’époque.
Je m’appelle Marina, je suis d’origine japonaise. J’ai traduit en japonais un recueil des textes de conférence confié par Monsieur Tresmontant en vue d’introduire sa pensée dans mon pays d’origine. Le livre a été publié en 1985.