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30 septembre 2011 5 30 /09 /septembre /2011 17:21

La méthode déductive de raisonnement métaphysique - qui consiste à partir du JE du philosophe, de sa pensée, de son cogito -, considérée par les philosophes modernes comme la seule manière valable de faire de la philosophie [1], est sévèrement critiquée par Claude Tresmontant - partisan de l'autre méthode de raisonnement métaphysique : la méthode inductive, qui consiste à partir du réel objectif exploré scientifiquement.

 

Dans la première méthode, le point de départ réside dans les concepts forgés par la rationalité du philosophe livrée à elle-même - à partir desquels celui-ci déduit sa vision du réel (sur le plan philosophique, scientifique, moral...).

 

Dans la seconde, le point de départ est l'univers physique et l'expérience commune - à partir desquels on induit des principes, on forge des concepts, et on élabore une vision globale du réel.

 

Pour Claude Tresmontant, la seule méthode valable de raisonnement, c'est la seconde : la méthode qu'il qualifie de "scientifique" et "expérimentale", la méthode dite "inductive" [2].

 

La première n'a aucune valeur en elle-même, parce qu'elle repose sur des présupposés erronés, et qu'elle n'a jamais donné aucun résultat probant - tout au contraire.

 

Nous allons entrer plus avant dans cette critique de la méthode déductive, en examinant les trois grands présupposés erronés sur lesquels elle repose :

 

1er présupposé : "le monde est ma représentation"

2e présupposé : le corps et l'âme sont deux réalités indépendantes 

3e présupposé : la réalité matérielle n'est pas informée (c'est notre esprit intelligent qui met de l'information dans la matière)

 

Ces présupposés examinés - et leur erreur démontrée -, nous verrons ce que donne la méthode déductive lorsqu'elle est appliquée par le philosophe au domaine scientifique. Nous verrons que les résultats ne sont pas fameux - et c'est un euphémisme...

 

Nous concluerons avec Claude Tresmontant : que la seule méthode par laquelle nous pouvons avoir quelque espoir de découvrir la Vérité [3] est celle qui consiste à partir de la réalité objective ; que celle-ci a quelque chose à nous dire - pour peu que nous acceptions de nous laisser enseigner ; qu'elle est une parole destinée à nos intelligences pour être reçue et assimilée telle une nourriture.

 


[1] Cf. notre article du 24 août 2011, Le dogme de la philosophie moderne.

[2] Cf. notre article du 30 juillet 2011, Méthode déductive vs méthode inductive.

[3] la Vérité ultime sur toute chose, et en particulier le sens de notre vie sur la terre.

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18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 19:45

1- Essai sur la pensée hébraïque (2)Disons-le sans fioritures, il s’agit d’un monument de la philosophie. Même si, dès l’introduction, Tresmontant prend soin de se présenter en tant que "philosophe" et non en tant que "théologien", il ne faudrait pas minimiser l’ordre nouveau ici à l’oeuvre.

 

En effet, peut-on vraiment parler de philosophie ? Pourquoi ne pas se risquer à proposer un mot, certes longtemps galvaudé au point de paraître ronflant mais qui mériterait de retrouver tout son suc : une simple "vérité" ? A moins que ce soit de l’ "amour" ? Peut-être que les deux sont indissociables. « Ceux qui croient que la science critique tue l'amour seront bien étonnés. » (p. 10)

 

Paru dans la collection Lectio divina, aux éditions du Cerf, l’essai rejoint la tradition de la lecture de la Bible ; une lecture pesée, pensée, durant l’époque patristique et le Moyen Age, comme le rapporte la petite note au début de l’ouvrage.

 

Néanmoins, le professeur se veut modeste d’emblée : « Ce travail n’est qu’une esquisse, ou, si l’on veut, une épure. » (p. 11)

 

Son importance est d’autant plus grande qu’elle s’inscrit dans un contexte précis ; nous sommes en 1953, l’Essai sur la pensée hébraïque est le premier ouvrage publié de Tresmontant, fort de l’Imprimatur, au temps où le marxisme était la philosophie tentante du milieu universitaire français. Proposer un tel « essai » était à tout le moins surprenant, pour ne pas dire insignifiant aux yeux de l’institution.

 

Plus qu’un essai, il s’agit d’un exposé didactique : il vise à enseigner, en toute clarté – « honneur de l’intelligence » selon l’expression du professeur. Pédagogue, Tresmontant nous invite à retrouver le sens de la pensée hébraïque qui est une pensée qui mérite au moins la même attention que les pensées grecques, hindoues ou de n’importe quelle autre métaphysique.

 

Ce n’est pas parce que nous sommes dans le domaine de la Révélation qu’il n’existe pas de "pensée", c’est-à-dire une "information" ; d’autre part, ce n’est pas parce qu’il y a "Révélation" et ouverture au surnaturel que la part humaine est rejetée, bien au contraire.

 

Dans d’autres ouvrages que nous verrons plus tard, Tresmontant signale que la révélation est tout sauf une dictée, comme dans le cas du Coran. Elle respecte la nature humaine ; elle l’appelle. « Les prophètes ne sont pas des porte-plumes de Dieu. Ce sont des coopérateurs que Dieu s'est suscités, qu'il a créés. » (Cf. Les origines de la philosophie chrétienne, page 18)

 

Il est impossible de résumer ce livre tant sa richesse impose au lecteur un arrêt à chaque page. La table des matières peut déjà mettre en évidence l’ensemble :

 

Avertissement

Introduction

Chapitre premier – la création et le créé

I. La création

II. Le temps

III. Le temps et l’éternité

IV. Création et fabrication. L’idée de matière.

V. Le sensible. Le symbolisme des éléments. Le mâshâl. Le particulier.

VI. Israël. La philosophie de l’histoire.

VII. L’incarnation.

Chapitre II – Schéma de l’anthropologie biblique.

I. L’absence du dualisme âme-corps.

II. La dimension nouvelle : le pneuma.

Chapitre III – L’intelligence

I. Le cœur de l’homme

II. La pensée et l’action

III. L’intelligence spirituelle qui est la foi

IV. Le « renouvellement de l’intellect » et la philosophie chrétienne.

Conclusion

Excursus I – Le néo-platonisme de Bergson.

Excursus II – Le souci.

Excursus III – La pensée hébraïque et l’Eglise.

 

Quelles leçons retenir ?

 

1. Tout d’abord, le monde est créé par un Etre incréé (Dieu) – la Kabbale juive refuse, entre autres, cette création ; c’est un acte d’amour, ce qui est redondant dans la formulation. Professer cela dans le monde antique pour qui l’univers était incréé ou un éternel recommencement restait un scandale, un blasphème. Le temps est vectoriel, telle une ascension : pas de recherche du temps perdu, guère de nostalgies, ici, mais un horizon, un déploiement, jusqu’à l’exode s’il le faut.

 

2. « Problème capital de la métaphysique chrétienne » selon Blondel et Laberthonnière, l’amour est aussi un terme central de l’ouvrage ;  on aurait tort de rejeter l’Agapè au nom d’un romantisme dégoulinant avec lequel on l’a trop souvent confondu.

 

Pour la pensée hébraïque, l’amour vise un être, une personne ; c’est une relation. Cette personne est bonne, sa chair est bonne : la chair est la totalité humaine, non le corps comme dans le dualisme platonicien.

 

Nous n’avons pas une âme : nous SOMMES une âme. Nous sommes une âme vivante appelée à être un esprit vivifiant, « ruach ». Cela change tout dans le domaine de l’anthropologie, de l’être.

 

Le sensible est porteur de sens ; il est signe, symbole à déchiffrer dans son infinie richesse. Ce n’est pas du « chaos ».

 

Il existe une phrase qui peut résumer l’ensemble du livre, si cela est permis : « La pensée hébraïque pourrait s'appeler un matérialisme poétique, ou un idéalisme charnel. » (p. 54)

 

Tresmontant a parfois traité de l'Agapè d'un point de vue philosophique.

 

Certes, dans son Introduction à la théologie chrétienne (1974) couronnée par l'Académie française, il l'envisageait d'un regard humoristique, presque caustique : « On répète Agapè comme de la grande pâtisserie qui écoeure, donne des crises de foie. Les choses les plus précieuses - et celle-ci est sans doute la plus précieuse - doivent être nommées avec pudeur, et rarement. Comme il est rare, très rare (l'amour), on ferait bien d'en parler peu, très peu. » (p. 513)

 

« En réalité, pour traiter de l'agapè, que nous n'osons plus traduire en français, il faut se détourner du pathos régnant à ce sujet, prendre ses distances à l'égard de ce qui est affectif, et s'orienter, orienter la recherche dans le sens, dans la direction de l'ontologie fondamentale. » (p. 513-514)

 

Plus loin dans sa synthèse, il compare la fameuse conception spinoziste de l'amour avec l'agapè chrétienne : « L'amour n'est rien d'autre qu'une joie, avec, présente, (concomitante) l'idée d'une cause externe." (Ethique, III, prop.13, scholie) ; c'est la définition invertie de l'amour. L'amour n'est pas d'abord une joie : la joie est donnée par surcroît, elle accompagne l'acte comme la beauté accompagne la jeunesse. Mais l'amour, au départ, est bien autre chose qu'une joie. Il peut être, il est le plus souvent douleur. On peut aimer à travers la douleur. » (p. 514)

 

Loin de verser dans le masochisme ou le dolorisme, Tresmontant rappelle que « L'amour ne vise pas la joie, il vise un être, avec joie ou sans joie. » (p. 514)

 

Il finit par nous avouer, avec humilité : « Personne ne sait définir ce qu'est l'acte d'aimer, pas plus qu'on ne peut définir l'acte d'être, ni rien de ce qui est essentiel, et premier dans l'être. On peut paraphraser mais non définir. » (p. 514)

 

Il tente néanmoins l'ébauche d'une définition de l'agapè : « Acte dont la capacité nous est donnée par Dieu lui-même. » (p. 514) ;« c'est une "vertu", une puissance, une capacité, un acte, surnaturel. (...) Ce n'est pas quelque chose d'affectif, de sentimental. Ce n'est pas un sentiment. Elle ne relève pas de la psychologie. Elle ne tombe pas sous le regard du psychanalyste, pas plus que la foi ou l'espérance. Elle est de l'ordre du spirituel, au sens technique du terme dans la langue de la théologie chrétienne. » (p. 515)

 

Avant de finir sur ce sujet, dans ce livre : « Toute agapè est créatrice, et toute création est amante. » (p. 515)

 

A chaque don, il y a une création.

 

Tresmontant traite le problème de l'Agapè en le confrontant à l'éternel Eros platonicien. Voici le passage, très éclairant : « L'eros platonicien consiste à s'élever d'une beauté sensible particulière, à une autre beauté moins particulière, jusqu'à ce que l'on accède à la Beauté non sensible et universelle, dont toutes les beautés sensibles et particulières procèdent.

 

« La beauté de tel corps est une participation, un reflet partiel de la Beauté elle-même. Ce qu'aime l'amant platonicien, ce n'est pas tel être particulier, mais cette Beauté, qu'à travers lui, il aperçoit, et qui le fait entrer en contemplation par une réminiscence de l'universel. La beauté d'un être particulier est une allusion, qui fait penser l'amant à cette Beauté de "là-bas".

 

« La fidélité à cette Beauté véritable consistera donc à être infidèle à tel bien aimé particulier. Celui-ci n'est qu'une étape. Il faut fuir, il faut quitter pour atteindre l'objet de notre désir.

 

« Don Juan est néo-platonicien. Devant un visage de femme il entre en contemplation. Son amour, c'est l'eros platonicien. Ce qu'il aime, ce n'est pas telle femme particulière, mais une Féminité archétype dont chaque femme porte un reflet toujours incomplet. Don Juan recherche l'essence. Ce qu'il appelle aimer, c'est quitter chaque femme particulière pour partir en quête de cette beauté à laquelle il est fidèle.


« Au contraire, l'amour chrétien est un amour pour tel être particulier. Cette opposition entre contemplation et amour de type chrétien et ceux de type platonicien, tient aux structures de pensée profondes, aux attitudes diamétralement contraires à l'égard du sensible et du particulier. » (p. 67)

 

3. La sainteté de la raison. « La science des saints, c'est l'intelligence. » (Proverbes 9,10)

 

L'intelligence n'est pas un organon (= Kant) mais une Action, celle d'un dialogue, une relation existentielle entre deux libertés, celle de Dieu et celle de l'homme, un échange où Dieu donne l'intelligence par laquelle l'homme connaît les secrets du Roi, une circulation de Je à Tu. Il n'y a pas d'intelligence en dehors de cette circulation.

 

La foi, c’est l’intelligence. Encore aujourd’hui, de grands penseurs, même parmi les chrétiens, refusent de croire en une philosophie chrétienne. Par exemple, Rémi Brague écrit dans sa belle étude Au moyen du Moyen Age : « Il n’y a pas de « philosophie islamique », pas plus qu’il n’y a ou a eu une « philosophie juive » ou une « philosophie chrétienne ». Ce que, sans conteste, il y a eu, c’est un usage de pensées philosophiques de la part de musulmans, de chrétiens et de juifs. » (p.132)

 

Avant cela, Rémi Brague écrit : « Le christianisme distingue plus nettement entre une science spécifiquement chrétienne, la théologie, et une philosophie qui est, en principe, neutre par rapport à la foi. »

 

Tresmontant répondrait : Au nom de quel a priori (dogme ?) la philosophie doit-elle rester neutre vis-à-vis de la foi ? C’est ce principe qui est discutable – lui-même rarement discuté – principe que Blondel révèle en assurant une union véritable, une « compénétration vivante » dirait le Philosophe d’Aix, une « inclusion » dirait Brague. Unir la philosophie et l’ouvrir à la Révélation, ce n’est pas convertir la philosophie à la Révélation ; c’est au contraire présenter la Révélation comme rationnelle. C’est ériger la raison à son point le plus ultime. En revanche, si la philosophie devient irrationnelle, il est un devoir de l’écrire.

 

« La philosophie chrétienne est une pensée qui se développe à partir de ce renouvellement de l'intelligence. Si par « philosophie » on entend exclusivement la philosophie grecque, certes il n'y a pas de philosophie chrétienne. Si par « raison » on entend les catégories de la pensée hellénique, certes l'apport biblique n'est pas « rationnel ». Mais cela veut-il dire autre chose que ce fait contingent : la structure profonde de la pensée grecque n'est pas la même que celle de la pensée biblique ? De cette inéquation de fait peut-on déduire légitimement une condamnation valable en droit ? Toute la question est de savoir si les formes de la raison hellénique sont celles de la raison humaine. Il est à noter que ces catégories s'avèrent de plus en plus incapables en physique, en biologie, en psychologie, de comprendre le réel. Il faut, en science aussi, renouveler les catégories de notre intelligence. Il est de bon augure pour la pensée biblique que, dans cette inadéquation, elle se trouve du même côté que la réalité vivante. La logique grecque est-elle capable de comprendre la croissance d'un arbre à partir d'une graine ?

 

« Le propre de la philosophie chrétienne est de refuser d'évacuer les termes de l'apport biblique sous prétexte qu'ils sont durs à assimiler pour une intelligence caractérisée, comme dit Bergson, par une « incompréhension naturelle de la vie » (p. 140)

 

« Il y a une philosophie chrétienne, parce qu'il y a une problématique païenne qui est incompatible avec la révélation biblique. » (p. 143)

 

 

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11 septembre 2011 7 11 /09 /septembre /2011 00:00

Les philosophes modernes se détournant avec dédain des sciences de la nature [1] - et n'y voyant pas là matière à réflexion -, les problèmes métaphysiques posés à l'intelligence humaine par l'univers physique ne sont guère plus aperçus aujourd'hui... que par les scientifiques eux-mêmes!

 

Un grand nombre de savants sont fascinés par le spectacle de la nature, par sa beauté, son harmonie, son intelligence (perceptible dans la plus petite cellule vivante)... à telle enseigne que beaucoup prennent conscience que l'univers, tel qu'il se présente à nos yeux, ne peut-être le fruit du néant ni du hasard. Beaucoup pressentent que la réalité empirique observée présuppose, pour être ce qu'elle est comme elle, l'existence d'un Être intelligent qui la dépasse et qui la fonde - celui-là même que les religions appellent "Dieu".

 

Ainsi, Charles Fehrenbach, savant de réputation internationale, directeur d'Observatoire, médaillé d'or du CNRS : "A mon avis, dit-il, le plus bel objet du monde, vu au télescope, est Saturne et son anneau : un astre d'une beauté absolument extraordinaire! Quand vous voyez cela, vous en avez le souffle coupé! Et vous vous dites : comment un tel système peut-il exister? Une si prodigieuse organisation, d'une si grande perfection? On sait qu'il existe, on ne sait pas pourquoi. Cet émerveillement vous touche bien sûr au fond du coeur. Il touche les croyants, mais aussi les non croyants. Bien sûr, je ne trouve pas Dieu parce que je suis astronome. Cependant, je reste croyant en étant astronome. Et ma foi n'est pas diminuée par le fait que je le suis. Loin de là." [2]

 

Les scientifiques, parce qu'ils sont en première ligne, perçoivent les problèmes métaphysiques ; et ils se posent, par la force des choses, les bonnes questions. Comme les philosophes, dont c'est pourtant le métier, refusent d'aborder ces problèmes métaphysiques (qu'ils décrètent insolubles et sans intérêt), la nature ayant horreur du vide : ce sont les scientifiques qui s'en chargent! Avec plus ou moins de bonheur...

 

Il y a ceux qui raisonnent bien, et qui parviennent à des conclusions parfaitement rationnelles. Je pense à des scientifiques comme Michaël Denton, Jean Staune, Bernard d'Espagnat, Trinh Xuan Thuan, Michaël Behe, Kenneth Miller, Igor et Grichka Bogdanov,... Le problème, c'est qu'ils ne font pas toujours très bien la distinction entre ce qui relève de leur discipline scientifique et le domaine métaphysique qu'ils abordent [3]. Certains peuvent ainsi avoir l'illusion de faire de la science - alors qu'ils font de la métaphysique [4]. S'ensuit une confusion des genres, préjudiciable au raisonnement métaphysique lui-même - qui se trouve déconsidéré par le seul fait qu'il se situe en dehors du champ des sciences expérimentales. Tous les auteurs précités (et bien d'autres, à leur suite) sont violemment critiqués par leurs confrères, parce qu'ils font, selon ces derniers, passer leurs thèses métaphysiques pour de la science. Et bien entendu, dans l'esprit de ces contempteurs : les thèses métaphysiques développées (le dessein intelligent, le réglage fin de l'univers, le principe anthropique...) n'ont aucun intérêt ni aucune pertinence sur le plan scientifique - puisque ce sont, pour eux, de pures élucubrations, des réflexions en l'air, comparables à celles de nos philosophes modernes... On retrouve là le bon vieux présupposé néo-positiviste d'Auguste Comte et de ses affidés, selon lequel "il n'y a de sciences que les sciences expérimentales ; (...) la métaphysique n'est pas une science mais relève de la littérature et de la mauvaise littérature" [5].

 

Mais il y a aussi, à l'inverse, des savants qui croient pouvoir contester les religions à partir des données de la science. Ces derniers raisonnent mal, parce qu'ils parviennent à des conclusions qui ne sont pas rationnelles. Ainsi, par exemple, Stephen Hawking [6], dont le dernier ouvrage soutient deux idées : l'une absurde ("l'univers se crée de lui-même, à partir de rien"), l'autre contradictoire avec la première ("l'univers se créé en toute logique des lois de la physique" - ce qui n'est pas "rien"...)! Et ceux-là ne sont pas moins imprudents que les premiers, lorsqu'ils affirment la scientificité de leur doctrine - puisqu'elle relève, elle aussi, de la métaphysique...

 

Les scientifiques qui s'efforcent de penser le monde à partir des connaissances particulières qu'ils en ont à raison de leur compétence, font sans doute bien de réfléchir ainsi et de partager leur conviction - quelle qu'elle soit. Ils se comportent en tous les cas en hommes normaux - non certes comme des scientifiques (puisqu'ils sortent de leur domaine de compétence), mais comme des hommes normaux (puisque l'homme, par nature, est un être métaphysique [7]). Puisque l'activité métaphysique de la raison est la chose la plus naturelle qui soit, il ne faut pas s'étonner que des scientifiques fassent de la métaphysique - d'autant moins, avons-nous dit, que les philosophes de profession préfèrent s'enfouir dans les bibliothèques et commenter les livres poussiéreux d'auteurs anciens (qui eux-mêmes ne s'intéressaient pas à la nature, ou en avait une conception aujourd'hui surannée).

 

Le problème, c'est qu'il manque à tous ces savants la formation technique pour bien penser - et distinguer les différents domaines de la connaissance. Or, "la philosophie, disait Bergson, comme tout le reste, cela s'apprend" [8].

 

Conclusions erronées (contradictoire et irrationnelles) de certaines réflexions métaphysiques de nos chers savants ; confusion des genres (entre la science - au sens moderne - et la métaphysique) ; déconsidération de l'activité métaphysique en tant que telle du seule fait qu'elle n'entre pas dans le champ des sciences expérimentales... voilà le paysage actuel dans toute sa désolation, les ruines fumantes qui demeurent après l'élimination de la métaphysique véritable par les philosophes modernes. De ce champ de bataille émergent les mauvaises herbes du néo-positivisme et de l'idéalisme - le second se prenant pour la seule philosophie possible, et alimentant le premier |9]!

 

Il est donc temps de remettre un peu d'ordre dans tout cela, et de revenir aux fondamentaux de la pensée. De réfuter définitivement l'idéalisme et sa méthode déductive - ce que nous allors tenter de faire avec Claude Tresmontant dans les articles à venir. De redonner ses lettres de noblesses à la métaphysique réaliste. Et de vider ainsi le néo-positivisme de toute sa vénéneuse substance - la réfutation de l'athéisme, dont le néo-positivisme est l'un des principaux vecteurs, constituant sans nul doute la part la plus importante et la plus novatrice de l'oeuvre métaphysique de Claude Tresmontant.

 


[1] Cf. notre article du 24 août 2011, Le dogme de la philosophie moderne.

[2] Cf. l'article paru sur le blog Totus Tuus le 20 juillet 2008, L'ordre de l'univers face au hasard.

[3] "L'hypothèse d'un créateur n'est plus hors du champ de la science", écrit Jean Staune dans son ouvrage (par ailleurs remarquable), Notre existence a-t-elle un sens.

[4] même si par certains aspects, bien entendu, l'on peut considérer la métaphysique comme une science, puisqu'elle nous communique une connaissance certaine du réel objectif - nous y reviendrons.

[5] Claude Tresmontant, in Les Métaphysiques principales, François-Xavier de Guibert 1995, p. 301.

[6] Cf. l'article paru sur le blog Totus Tuus le 5 septembre 2010, L'Univers a besoin d'un Créateur (une esquisse de réponse au conte mythologique de Stephen Hawking).

[7] "Si l'homme est autorisé à accomplir une démarche métaphysique, c'est parce qu'il est lui-même un être métaphysique. L'homme fait de la métaphysique - et il en fera toujours - parce qu'il est un animal métaphysique, parce qu'il est de la métaphysique en chair et en os. En effet, en tant qu'esprit, l'homme est essentiellement méta-physique, il est très littéralement "un être qui transgresse la nature". N'est-il pas, comme l'a si bien vu Pascal, le roseau pensant, plus précieux que l'univers entier, car, quand bien même l'univers l'écraserait, l'homme le saurait tandis que l'univers lui-même en demeurerait ignorant?" Mgr André Léonard, in Les raisons de croire, Communio Fayard 1987, p. 53.

[8] Cité par Roger Verneaux, in Introduction Générale et Logique, Beauchesne et ses Fils 1964, p. 7.

[9] "Puisque la philosophie est à leurs yeux (...) un galimatias perpétuel, une logomachie (...), que voulez-vous que fassent les savants, les chercheurs? Ils se replient sur leurs positions, ils restent dans leurs laboratoires, ils se cantonnent dans leurs sciences, dans leurs spécialités, et ils finissent pas penser, comme les philosophes régnants, qu'il n'y a de science que les sciences expérimentales, que la philosophie n'est pas une science, qu'il n'y a de rationnel que les sciences expérimentales, et que tout le reste est littérature. Autrement dit, le néo-positivisme des philosophes régnants engendre et en tout cas fortifie le néo-positivisme des savants. En somme, aujourd'hui, tout le monde est néo-positiviste." Claude Tresmontant, in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, pp. 9 et 10. L'auteur ajoute que : "Lorsque quelque savant entreprend de spéculer philosophiquement sur sa science, comme le plus souvent, il n'a pas la formation requise - car l'analyse philosophique implique et requiert une technique, et donc un apprentissage - le plus souvent, le résultat n'est pas fameux"...

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8 septembre 2011 4 08 /09 /septembre /2011 13:14

"Tout compte fait, le réel, patiemment exploré,

est plus riche que l'imaginaire."

 

(Claude Tresmontant, in Comment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de Dieu, Seuil 1966, p. 43.)

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5 septembre 2011 1 05 /09 /septembre /2011 00:00

Chers amis,

 

En exclusivité absolue sur ce blog, voici la deuxième partie d'une interview audio donnée par Claude Tresmontant en décembre 1996, quatre mois seulement avant sa mort.

 

Interrogé par Jérôme Dufrien - qui nous a fait l'honneur et la grâce de nous confier la diffusion de ce document exceptionnel -, Claude Tresmontant revient sur les grands thèmes de son oeuvre.

 

Dans ce deuxième extrait que nous publions aujourd'hui, Claude Tresmontant nous parle du néo-positivisme - que l'on appelle également "scientisme". 

      

 

Dans le prochain extrait, que nous publierons le 5 octobre prochain, Claude Tresmontant évoquera le problème de l'athéisme, et nous expliquera pourquoi l'athéisme est impensable - aujourd'hui, plus que jamais.

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2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 12:45

Le mépris affiché des philosophes modernes pour les sciences de la nature [1] a entraîné en retour un rejet massif de la chose philosophique par le monde scientifique.

 

Ce qui est en cause : c'est le raisonnement déductif qui conduit le philosophe à penser le réel, non à partir de la réalité objective explorée scientifiquement, mais à partir du "je pense", du cogito [2] - prenant l'exact contre-pied de la méthode expérimentale utilisée par les scientifiques.

 

On part de la pensée subjective du philosophe, de ses idées "pures" (c'est-à-dire : dégagées de l'influence - jugée mauvaise - de l'expérience sensible), de principes rationnels posés a priori, et on en déduit, comme le faisait Descartes, les lois de la physique ou de la biologie, ou comme le faisait Kant, les lois morales.

 

Pour les philosophes régnants, disciples de Descartes et de Kant, la source de toute connaissance et de toute vérité, c'est la pensée du philosophe - sa raison pure. L'expérience sensible elle-même est trompeuse ; elle ne nous donne pas accès à la vraie connaissance ; elle va jusqu'à "polluer" le raisonnement du philosophe - dont la pureté n'a d'égale que la distance qu'elle prend vis-à-vis d'elle [3]

 

"C'est de cette méthode déductive descendante que la science ne veut pas. C'est cette méthode déductive qui a provoqué, chez les savants, cette répulsion qui est souvent la leur à l'égard de la philosophie." [4]

 

"L'idée kantienne de la métaphysique, l'idée que Kant à la suite de Wolff se faisait de la métaphysique, pure déduction a priori par concepts, sans fondement dans l'expérience, a conduit à l'extermination de la métaphysique en Europe et dans le reste du monde. Les chercheurs attachés à la méthode expérimentale ont pris en horreur et en dégoût cette soi-disant, cette prétendue déduction a priori par concepts." [5]

 

Au point que le mot même de "métaphysique" est devenu péjoratif...

 

La "conception absurde de la métaphysique, qui était celle de Kant, a bien entendu provoqué ou suscité au XIXe et au XXe siècle de la part des savants habitués à la pratique de la méthode expérimentale une réaction négative, une réaction de rejet, qui est si vive, si violente, qu'aujourd'hui encore, ou aujourd'hui plus que jamais, dans un ouvrage de science, pour critiquer un collègue, pour rejeter une thèse, une théorie, une doctrine, la pire critique que l'on puisse concevoir, la pire injure, c'est de dire : c'est de la "métaphysique"! Entendons par là une spéculation pure, arbitraire, imaginaire, sans aucun fondement dans l'expérience objective." [6]

 

"Lorsque, dans un ouvrage scientifique quelconque, on veut dire que tel raisonnement, telle affirmation ne repose sur rien, qu'elle est en l'air, qu'elle n'a pas de fondement expérimental, on dit que c'est de la "métaphysique". Il n'existe pas, semble-t-il, de pire injure dans le monde des savants que ce terme de "métaphysique", qui signifie raisonnement arbitraire, gratuit, sans fondement dans la réalité objective, déduction opérée sans référence au réel expérimentable. Les esprits de formation scientifique sont lassés, à juste titre semble-t-il, par les romans métaphysiques, quelle que soit par ailleurs leur beauté. Tout compte fait, le réel, patiemment exploré est plus riche que l'imaginaire." [7]

 

Claude Tresmontant évoque cette vive remontrance de Claude Bernard : "Je considère que les philosophes proprement dits ne sont que des gymnasiarques intellectuels et que l'enseignement de la philosophie ne peut être qu'une gymnastique intellectuelle... La philosophie développe d'autant mieux l'esprit qu'elle est creuse. J'aime beaucoup la philosophie et beaucoup les philosophes : ce sont des hommes d'esprit et de grande intelligence. Mais je ne crois pas que la philosophie soit une science. C'est une distraction utile pour l'esprit de causer philosophie après avoir travaillé. Comme c'est une distraction d'aller faire une promenade après être resté longtemps à travailler dans son laboratoire (...). La philosophie n'apprend rien et ne peut rien apprendre de nouveau par elle-même puisqu'elle n'expérimente pas et n'observe pas (...). La source unique de notre connaissance est l'expérience." [8]

 

Tel est bien l'avis de Claude Tresmontant - et c'est la raison pour laquelle notre auteur insiste tant sur le fait que la méthode déductive n'est pas le tout de la philosophie ; qu'il existe une autre manière de faire de la philosophie "à partir de l'expérience soigneusement, patiemment étudiée, par les moyens des sciences expérimentales : c'est cette méthode qu'avait préconisée et utilisée pour une grande part Aristote le naturaliste" [9] ; qui fut "pour l'essentiel reprise à la fin du XIXe siècle par Henri Bergson" et magistralement promue au XXe siècle par... Claude Tresmontant! 

 


[1] Cf. notre article du 24 août 2011, Le dogme de la philosophie moderne.

[2] Cf. notre article du 30 juillet 2011, Méthode déductive vs méthode inductive.

[3] Cf. nos articles des 2 août 2011, "Quand donc l'âme atteint-elle la vérité?" ; 8 août 2011, La métaphysique de René Descartes ; 13 août 2011, Kant et la raison pure (1) ; et 14 août 2011, Kant et la raison pure (2).

[4] Claude Tresmontant, in Comment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de Dieu, Seuil 1966, p.42.

[5] Claude Tresmontant, in Les Métaphysiques principales, OEIL 1995, p. 296.

[6] Claude Tresmontant, ibid., p. 279

[7] Claude Tresmontant, in Comment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de Dieu, Seuil 1966, p. 43.

[8] Claude Bernard, in Philosophie, publié par J. Chevallier, et cité par Claude Tresmontant, ibid., p. 43.

[9] Claude Tresmontant, ibid. p. 43-44.

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24 août 2011 3 24 /08 /août /2011 11:50

La philosophie moderne s'inscrit dans la tradition de Platon, et surtout : de Descartes et de Kant [1] - pour lesquels elle nourrit une dévotion quasi-religieuse. Elle exalte ainsi la méthode déductive de raisonnement - méthode a priori qui consiste à partir du sujet connaissant [2] -, et rejette absolument tout contact avec les sciences positives.

 

"C'est un dogme dans l'Université, en France, que la pensée philosophique, l'analyse philosophique, ne doivent pas partir de l'expérience scientifiquement connue. Non, il ne doit et il ne peut y avoir aucun rapport entre la philosophie et les sciences de la nature. La philosophie et les sciences de la nature suivent des routes divergentes. Elles ne se rencontrent jamais. Elles s'ignorent mutuellement. Elles n'ont aucun rapport, aucune relation, les unes avec les autres. Elles font bande à part." [3]

 

Autrement dit : à chacun son domaine - sa spécialité. "Il n'est de bon voisinage que de bonne clôture" dit un dicton populaire...

 

Il ne viendrait à l'esprit d'aucun de nos penseurs modernes d'engager une quelconque réflexion sur les découvertes scientifiques de ces 100 dernières années, que ce soit dans le domaine de la physique, de la cosmologie, de la biologie, de la biochimie... Ces choses-là ne les intéressent tout simplement pas - ne les concernent pas. "Ils font de la philosophie hors de leur siècle, comme s'ils vivaient au temps de Descartes ou de Malebranche. Leur platonisme secret se satisfait de cette indifférence pour l'univers, son contenu et son histoire." [4] "Ils n'ont aucune connaissance des sciences de la nature et aucun goût pour elles. Au contraire, ils professent volontiers qu'entre les sciences de la nature et la philosophie, il n'y a aucun rapport, et il ne doit y avoir aucun rapport." [5]

 

Claude Tresmontant cite le philosophe Gaston Bachelard, qui évoque dans l'un de ses livres le phénomène de l'annihilation des corpuscules - mis au jour par la physique contemporaine -, dont la découverte consacre, selon lui, "la défaite du chosisme" : "Ces phénomènes de création et d'annihilation corpusculaires ne retiennent guère l'attention du commun des philosophes, observe Bachelard. Cette indifférence devant ces phénomènes si curieux est une marque nouvelle de la profonde séparation de l'esprit philosophique et de l'esprit scientifique. Quand, devant un public de philosophes, on évoque ces phénomènes d'annihilation et de création, on s'aperçoit quasi phénoménologiquement de cette indifférence, on lit vraiment l'indifférence sur les visages. De tels phénomènes sont pour le philosophe moderne, des phénomènes " de la science", ce ne sont pas des phénomènes "de la nature". Le philosophe les accepte sans discuter - il faut bien! - et il passe. Il n'en tient pas compte en philosophie. Il garde ses absolus dans le temps même où la science en prouve le déclin." [6]

 

Les philosophes modernes se livrent donc à leurs spéculations intellectuelles, sans tenir aucunement compte des avancées de la Science - dont ils n'ont cure. Le point de départ de leur réflexion n'est pas l'Univers physique, mais les textes des philosophes anciens - qu'ils se plaisent à lire et commenter. "Ils font des commentaires de textes : de Platon, de Descartes ou de Kant, de Hegel, de Marx, de Nietzsche ou de Heidegger. La philosophie contemporaine est un vaste commentaire de commentaires." [7]

 

Et cela n'est pas prêt de s'arrêter, puisque les étudiants en philosophie sont toujours issus du même moule - et nourris au "bon lait" de la philosophie cartésienne et de la Critique de la Raison pure - que l'on étudie dans les facs avec la même vénération que les Saintes Ecritures dans les séminaires... 

 

"Les étudiants en philosophie, depuis des générations, sont formés dans ce qu'on appelait naguères encore les "Facultés des lettres", lesquelles sont distinctes des "Facultés des sciences". Les étudiants en philosophie étaient donc, et il sont toujours, des garçons et des filles de vingt ans qui n'ont aucune connaissance des sciences de l'Univers ou de la nature : astrophysique, physique, chimie, biochimie, biologie fondamentale, paléontologie, zoologie, etc. En fait, ils n'ont aucune connaissance de quoi que ce soit, sinon de leurs rêves ou de leurs fantasmes, mais par contre, ils prétendent, et c'est là leur spécialité, parler de tout : de l'être et du néant, de l'"en-soi" et du "pour soi", du "noumène" et du "phénomène", de l'absolu et du relatif, de la raison et de la déraison, du bien et du mal - et le tout, sans aucune base expérimentale. En général, et sauf de rares exceptions, ils ne sauraient même pas traire une vache.  Par contre, ils vous expliqueront, a priori bien entendu, ce qui est possible et impossible à la pensée, que Dieu est mort, que l'homme est mort, que la métaphysique est morte, et ainsi de suite..." [8]

 

Les deux archétypes du philosophe moderne, selon Tresmontant, sont Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir : "Leur ignorance des sciences de l'Univers et de la nature est sans lacune" relève-t-il avec ironie - lors même que leur oeuvre est contemporaine des grandes découvertes cosmologiques de Lemaître, Friedmann, Hubble, Humason. "Parcourez les Mémoires de Sartre et de Simone de Beauvoir : vous n'en trouverez pas trace, pas une allusion à ces grandes découvertes, à ces grandes révolutions de la science. Ni l'astrophysique, ni la physique, ni la biologie, ne les ont jamais intéressés le moins du monde. C'est ce qui explique leur philosophie a-cosmique, c'est ce qui explique qu'à la fin de sa vie Madame de Beauvoir puisse exposer le plus sérieusement du monde que l'on ne "naît" pas femme, on n'est pas femme par naissance ou par nature. On devient femme par option, éducation, culture! [9] La détestation de la nature, la détestation de la réalité objective, la détestation du physiologique est l'un des traits les plus caractéristiques de la philosophie française moderne, chez Sartre et Simone de Beauvoir, bien sûr, mais aussi chez les philosophes de la génération suivante." [10] 

 


[1] Cf. nos articles des 2 août 2011, "Quand donc l'âme atteint-elle la vérité?" ; 8 août 2011, La métaphysique de René Descartes ; 13 août 2011, Kant et la raison pure (1) ; et 14 août 2011, Kant et la raison pure (2).

[2] Cf. notre article du 30 juillet 2011, Méthode déductive vs méthode inductive.

[3] Claude Tresmontant, in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, Seuil 1976, pp. 8 et 9.

[4] Claude Tresmontant, in Comment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de Dieu, Seuil 1966, p. 32.

[5] Claude Tresmontant, in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, Seuil 1976, p. 178.

[6] Gaston Bachelard, L'Activité rationaliste de la Physique contemporaine, Paris, 1951, p. 82 - cité par Claude Tresmontant, in Comment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de Dieu, Seuil 1966, pp. 32-33.

[7] Claude Tresmontant, in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, Seuil 1976, p. 178.

[8] Claude Tresmontant, in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, Seuil 1976, p. 8.

[9] On reconnaît là la matrice de la théorie du Gender, qui tend actuellement à s'imposer dans nos lycées...

[10] Claude Tresmontant, in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, Seuil 1976, p. 9.

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22 août 2011 1 22 /08 /août /2011 12:05

I do not know if it is a prophecy or “coincidence" that on June 18th the first article of this new blog is published. A sign! - A calling?

This innovative blog aims to inform as many people as possible about the works and theories of one of the most important authors of the past century – at the same time, one of the least known : Claude Tresmontant.

One of the most important authors, for he was the first to know, and better than anyone, how to decipher the greatest scientific discoveries of his time using metaphysical philosophy. Tresmontant gave a fatal blow to atheism by brilliantly disputing it and without ever a single serious opposition.

One of the least known authors in the world where master philosophers of idealism reign, heirs of Descartes and Kant, but also in the Church, which I think is a grave injustice that this blog, in its humble place, would like to contribute to set straight.

Who in the Christian world, truly knows Claude Tresmontant or has even heard about him? Who has read, studied in depth and meditated his theories? ... Who cites him as a reference in their works? Who are his followers today? Who in the secular world, has attempted to challenge his arguments?

Life goes on - and it is dreadful to say - as if Tresmontant did not exist, as if he never existed, as if he had never written anything. In which case, there are those who consider him as an insignificant, minor, negligible author.

Oh! There are a few writers, who save Tresmontant’s honor, and may I add, who do an outstanding job of presenting his works ; we will reveal them to you... Nevertheless, who knows them? Who has ever heard of them?

Without a doubt, Claude Tresmontant himself is partly responsible for his anonymity, for he supported in his thesis’ heterodox theology, even more damaging to his name, as they are in contradiction with the teachings of Tresmontant the metaphysician.

However, what may have been the theological errors of Claude Tresmontant (which we will discuss in due course), nothing justifies the general contempt of his life works - especially in metaphysics, senseless to explain that most of his books are now out of print and virtually unobtainable. Tresmontant’s contribution to philosophical thought is absolutely vital - and far more important than that of Nietzsche, Sartre or Heidegger (with all due respect that I owe to these great names of world literature).

You will think perhaps I exaggerate, that I am talking nonsense ; that I do not measure the scope of my remarks. This is indisputably because you do not yet know Claude Tresmontant. I invite you to follow this blog. You will see : you will be dazzled.

 

 


Lire l'article en version française

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14 août 2011 7 14 /08 /août /2011 00:00

Pour Emmanuel Kant, il n'existe qu'une seule manière de faire de la métaphysique : celle qui consiste à partir du cogito, dans la plus pure tradition cartésienne [1], pour en déduire un certain nombre d'enseignements, dans tous les domaines de la connaissance (philosophique, physique, moral...).

 

La seule métaphysique que le philosophe allemand connaît et évoque dans ses écrits (fût-ce pour la critiquer), c'est la métaphysique postcartésienne de Leibniz, de Wolff et de leurs disciples. Il n'existe pas, pour lui, d'autres manières de penser que celle-là.

 

"Les kantiens se plaisent à qualifier de "naïfs" et de "précritiques" les philosophes et les savants qui, comme le fit Aristote, partent du donné, de la réalité objective, et puis l'analysent, en dégagent la structure, les lois, - la structure non seulement physique, mais aussi métaphysique, les lois non seulement empiriques, mais ontologiques, - et finissent par conclure rationnellement, au terme de leurs analyses." [2]

 

Pas un mot ainsi, dans l'oeuvre de Kant, sur des auteurs comme Avicenne, Maïmonide, Albert le Grand, Thomas d'Aquin, Bonaventure, Duns Scot...

 

Le postulat de départ, c'est que la métaphysique est une pure déduction par concepts - et que l'expérience sensible est une corruption de la pensée ; qu'elle est trompeuse par nature.

 

"Kant avait manifestement horreur de l'expérience sensible. Pour lui, tout contact avec l'expérience sensible est impur. Kant fait un usage constant des termes "pur", "pureté", "a priori", dans sa célèbre Critique de la raison cathare.  - Tout ce qui est pur est séparé de l'expérience, abgesondert. Ce qui touche à l'expérience sensible, ce qui est en contact avec l'expérience sensible, est impur. La pureté, c'est la séparation. Ainsi, l'Impératif catégorique pour être pur ne doit surtout pas avoir de fondement dans l'expérience sensible. Cela le souillerait. La métaphysique, selon l'idée que Kant s'en fait, est une connaissance pure parce que c'est une connaissance séparée. - Tout ce qui est pur est a priori. Seul l'a priori est pur. La métaphysique est pure si elle ne procède pas de l'expérience sensible, si elle n'a pas de fondement objectif dans l'expérience sensible, si elle est elle aussi a priori." [3]

 

 


[1] Cf. notre article du 8 août 2011, La métaphysique de René Descartes

[2] Claude Tresmontant, in Comment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de Dieu, Seuil 1966, p. 56

[3] Claude Tresmontant, in Les Métaphysiques principales, OEIL 1995, p. 277

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13 août 2011 6 13 /08 /août /2011 00:00

Après Platon [1] et Descartes [2], un autre grand penseur se fera le champion de la méthode déductive (combattue par Claude Tresmontant) - sous l'influence du philosophe cartésien Christian Wolff. C'est Emmanuel Kant.

 

Pour Emmanuel Kant, la métaphysique est l'art de raisonner au-delà de toute expérience sensible.

 

"La Métaphysique, connaissance spéculative de la raison tout à fait isolée et qui s'élève complètement au-dessus des enseignements de l'expérience par de simples concepts (...) et où, par conséquent, la raison doit être son propre élève (...), s'engage à accomplir son oeuvre tout à fait a priori, et par suite, à l'entière satisfaction de la raison spéculative." [3]

 

"Pour ce qui est des sources d'une connaissance métaphysique, de par leur concept même, elles ne peuvent être empiriques. Ses principes (c'est-à-dire non seulement ses axiomes, mais ses concepts fondamentaux) ne doivent jamais être empruntés à l'expérience car il faut qu'elle soit connaissance non pas physique, mais métaphysique, ce qui signifie au-delà de l'expérience (...). Elle est donc connaissance a priori ou d'entendement pur et de raison pure (...). La connaissance métaphysique ne doit renfermer que des jugements a priori ; le caractère particulier de ses sources l'exige." [4]

 

Pour connaître des réalités de ce monde, il convient donc de revenir, comme disait Descartes, aux "Principes" fondamentaux discernables par notre "raison pure" (une raison libérée de l'influence parasitaire de l'expérience sensible) - desquels il ne restera plus alors qu'à déduire les conclusions qui s'imposent et en découlent, dans tous les domaines.

 

"La métaphysique (...) n'est (...) que l'inventaire, systématiquement ordonné, de tout ce que nous possédons par la raison pure. Rien ne peut ici nous échapper, puisque ce que la raison tire entièrement d'elle-même ne peut lui demeurer caché, mais est au contraire mis en lumière par la raison même, aussitôt qu'on en a seulement découvert le principe commun. L'unité parfaite de cette espèce de connaissances, qui dérivent de simples concepts purs, sans que rien d'expérimental, pas même une intuition particulière propre à conduire à une expérience déterminée, puisse avoir sur elles une quelconque influence pour les étendre ou les augmenter, cette parfaite unité rend cette intégralité absolue non seulement possible, mais aussi nécessaire... J'espère présenter moi-même un tel système de la raison pure (spéculative) sous le titre de Métaphysique de la Nature."  [5]

 

Comme Descartes, Kant pense que l'on peut déduire du raisonnement métaphysique un certain nombre de vérités scientifiques.

 

"Nous sommes réellement en possession d'une physique pure qui présente a priori (...) des lois auxquelles la nature est soumise... Parmi les principes de cette physique générale, il s'en trouve qui possèdent réellement l'universalité que nous demandons ; ainsi la proposition : que "la substance reste et persiste", que "tout ce qui arrive est toujours déterminé d'avance par une cause suivant des lois constantes", etc. Ce sont là vraiment des lois universelles de la nature qui existent absolument a priori. Il y a donc bien en vérité une science pure de la nature." [6]

 

"Une théorie rationnelle de la nature ne mérite (...) le nom de science de la nature que si les lois naturelles, sur lesquelles elle se fonde, sont connues a priori et ne sont pas de simples lois d'expérience... Une science de la nature qui s'appelle ainsi à proprement parler, présuppose une métaphysique de la nature... C'est pourquoi la science de la nature proprement dite suppose la métaphysique de la nature." [7]

 

Même les préceptes de la vie morale peuvent être déduites de la raison pure - et tirent précisément leur autorité de leur présence a priori dans l'esprit du philosophe, antérieurement à toute expérience.

 

"Il n'y a pas de vrai principe suprême de la moralité qui ne doive s'appuyer uniquement sur une raison pure indépendamment de toute expérience (...) Nous voyons ici la philosophie placée dans une situation critique : il faut qu'elle trouve une position ferme sans avoir, ni dans le ciel ni sur la terre, de point d'attache ou de point d'appui. Il faut que la philosophie manifeste ici sa pureté, en se faisant la gardienne de ses propres lois... Les principes (...) que dicte la raison (...) doivent avoir une origine pleinement et entièrement a priori, et tirer en même temps de là leur autorité impérative." [8]

 

 


[1] Cf. notre article du 2 août 2011, "Quand donc l'âme atteint-elle la vérité?"

[2] Cf. notre article du 8 août 2011, La métaphysique de René Descartes

[3] Kant, in préface de la seconde édition de la Critique de la Raison pure, citée par Claude Tresmontant in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, Seuil 1976, p. 171.

[4] Kant, in Prolégomènes à toute Métaphysique future qui pourra se présenter comme science, citée par Claude Tresmontant in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, Seuil 1976, p. 171.

[5] Kant, in préface de la première édition de la Critique de la Raison pure, citée par Claude Tresmontant in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, Seuil 1976, pp. 170-171.

[6] Kant, in Prolégomènes à toute Métaphysique future qui pourra se présenter comme science, citée par Claude Tresmontant in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, Seuil 1976, p. 171-172.

[7] Kant, in Premiers principes métaphysiques de la science de la nature, citée par Claude Tresmontant in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, Seuil 1976, p. 172.

[8] Kant, in Fondement de la Métaphysique des moeurs, citée par Claude Tresmontant in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, Seuil 1976, pp. 172-173.

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