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16 septembre 2012 7 16 /09 /septembre /2012 18:13

L'homme qui s'interroge sur le sens de sa vie - qui se pose les grandes questions de la Sagesse humaine -, qui recherche la vérité ultime de son existence, doit s'efforcer de penser correctement s'il veut avoir quelque espoir de trouver réponse à ses interrogations.

 

Qu'est-ce que penser correctement? Nous l'avons vu : c'est penser à partir du réel objectif extérieur à soi-même, et non à partir de sa propre subjectivité, de ses propres conceptions. [1]

 

Si nous avions l'intelligence innée de tout le réel, cela se saurait : nous n'aurions pas besoin d'aller à l'école, de recevoir de nos maîtres un quelconque enseignement. Nous aurions tout en nous-mêmes pour connaître la vérité sur toute chose - il suffirait de s'enfermer en soi-même et de réfléchir.

 

Le chemin qui conduit l'homme à la connaissance - et à la vérité -, l'unique chemin, c'est la réalité objective qui m'environne, dans laquelle je m'inscris, qui existait avant moi et qui perdurera après moi. C'est elle que je dois explorer et apprendre à découvrir ; c'est en elle que je dois chercher les réponses à mes questions existentielles ; c'est sur elle que je dois fonder mes théories - pour qu'elles aient quelque chance d'être vraies.

 

Le réel objectif : l'unique maître du chercheur de vérité - le seul auquel il doit se soumettre. Le laboratoire du philosophe.

 

Ce réel objectif, quel est-il?

 

C'est bien sûr tout ce qui m'entoure : ma famille, mes amis, ma maison, mon jardin, mon quartier, ma ville, mon pays, la planète où je vis, le système solaire où elle se situe, la galaxie dont il fait partie, l'univers entier.

 

Et c'est aussi ce que je perçois le plus immédiatement : moi-même. Mon corps, mes sentiments, ma pensée. 

 

La première chose qui nous frappe lorsque l'on considère la réalité objective (l'univers, et soi-même) : c'est que nous la rencontrons sans trop savoir au fond ce qu'elle est. Elle est comme une étrangère pour nous. Si familière - nous en faisons l'expérience quotidienne - et pourtant si méconnue : nous ignorons fondamentalement ce qu'elle est.

 

Et pour cause : nous ne l'avons pas inventée - nous la recevons comme un don.

 

Nous naissons dans un univers qui nous pré-existait - dont nous ne sommes pas les auteurs, et qui s'impose à nous comme un fait, un donné.

 

Et ce que nous sommes nous-mêmes, nous ne l'avons pas décidé - nous le "subissons" en quelques sortes, nous le recevons. Comme un cadeau fait à un enfant, que celui-ci tourne et retourne avec étonnement.

 

"Notre existence, notre nature, notre propre corps, et notre âme, sont pour nous une surprise et un sujet inépuisable d'étonnement. Les biologistes font l'analyse de la structure de notre organisme, et nous n'en sommes encore qu'à la première découverte de ce mystère qu'est pour nous notre propre organisme. Et notre âme, notre psychologie, nos tendances, sont pour nous tout aussi mystérieuses. Il faudra le long travail de la science pour nous découvrir à nous-mêmes qui nous sommes. Notre existence, le battement de notre coeur, le chimisme de notre respiration et cette bouchée que nous avalons et qui se transforme en nous-mêmes sans nous, notre pensée elle-même qui sourd comme une fontaine et dont la source est inconnue, tout cela est pour nous mystère. Nous sommes à nous-mêmes mystère (...).

 

"Tout est donné en nous : l'être, la vie, le battement de notre coeur, et même cette pensée que je pense et qui me vient d'un lieu que je ne connais pas, d'une profondeur que je n'ai pas sondée. Tout ce pouvoir qui est en moi, ce mouvement, cette force, cette puissance d'agir et de concevoir, ce n'est pas moi qui les ai mises en moi. Je suis né, et j'ai reçu. La vie, la pensée, comme le mouvement et l'agir, sont pour l'homme reçus." [2]

 

La question qui vient spontanément à l'esprit, dans cette contemplation de mon être et de l'univers, est naturellement celle de la source de ce don que je suis pour moi-même et de cet univers au sein duquel je suis né. 

 


[1] Cf. notre article-sommaire du 29 juillet 2012, De la bonne méthode de raisonnement en philosophie.

[2] Claude Tresmontant, in Essai sur la Connaissance de Dieu, Cerf 1959, p. 27 à 29

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11 septembre 2011 7 11 /09 /septembre /2011 00:00

Les philosophes modernes se détournant avec dédain des sciences de la nature [1] - et n'y voyant pas là matière à réflexion -, les problèmes métaphysiques posés à l'intelligence humaine par l'univers physique ne sont guère plus aperçus aujourd'hui... que par les scientifiques eux-mêmes!

 

Un grand nombre de savants sont fascinés par le spectacle de la nature, par sa beauté, son harmonie, son intelligence (perceptible dans la plus petite cellule vivante)... à telle enseigne que beaucoup prennent conscience que l'univers, tel qu'il se présente à nos yeux, ne peut-être le fruit du néant ni du hasard. Beaucoup pressentent que la réalité empirique observée présuppose, pour être ce qu'elle est comme elle, l'existence d'un Être intelligent qui la dépasse et qui la fonde - celui-là même que les religions appellent "Dieu".

 

Ainsi, Charles Fehrenbach, savant de réputation internationale, directeur d'Observatoire, médaillé d'or du CNRS : "A mon avis, dit-il, le plus bel objet du monde, vu au télescope, est Saturne et son anneau : un astre d'une beauté absolument extraordinaire! Quand vous voyez cela, vous en avez le souffle coupé! Et vous vous dites : comment un tel système peut-il exister? Une si prodigieuse organisation, d'une si grande perfection? On sait qu'il existe, on ne sait pas pourquoi. Cet émerveillement vous touche bien sûr au fond du coeur. Il touche les croyants, mais aussi les non croyants. Bien sûr, je ne trouve pas Dieu parce que je suis astronome. Cependant, je reste croyant en étant astronome. Et ma foi n'est pas diminuée par le fait que je le suis. Loin de là." [2]

 

Les scientifiques, parce qu'ils sont en première ligne, perçoivent les problèmes métaphysiques ; et ils se posent, par la force des choses, les bonnes questions. Comme les philosophes, dont c'est pourtant le métier, refusent d'aborder ces problèmes métaphysiques (qu'ils décrètent insolubles et sans intérêt), la nature ayant horreur du vide : ce sont les scientifiques qui s'en chargent! Avec plus ou moins de bonheur...

 

Il y a ceux qui raisonnent bien, et qui parviennent à des conclusions parfaitement rationnelles. Je pense à des scientifiques comme Michaël Denton, Jean Staune, Bernard d'Espagnat, Trinh Xuan Thuan, Michaël Behe, Kenneth Miller, Igor et Grichka Bogdanov,... Le problème, c'est qu'ils ne font pas toujours très bien la distinction entre ce qui relève de leur discipline scientifique et le domaine métaphysique qu'ils abordent [3]. Certains peuvent ainsi avoir l'illusion de faire de la science - alors qu'ils font de la métaphysique [4]. S'ensuit une confusion des genres, préjudiciable au raisonnement métaphysique lui-même - qui se trouve déconsidéré par le seul fait qu'il se situe en dehors du champ des sciences expérimentales. Tous les auteurs précités (et bien d'autres, à leur suite) sont violemment critiqués par leurs confrères, parce qu'ils font, selon ces derniers, passer leurs thèses métaphysiques pour de la science. Et bien entendu, dans l'esprit de ces contempteurs : les thèses métaphysiques développées (le dessein intelligent, le réglage fin de l'univers, le principe anthropique...) n'ont aucun intérêt ni aucune pertinence sur le plan scientifique - puisque ce sont, pour eux, de pures élucubrations, des réflexions en l'air, comparables à celles de nos philosophes modernes... On retrouve là le bon vieux présupposé néo-positiviste d'Auguste Comte et de ses affidés, selon lequel "il n'y a de sciences que les sciences expérimentales ; (...) la métaphysique n'est pas une science mais relève de la littérature et de la mauvaise littérature" [5].

 

Mais il y a aussi, à l'inverse, des savants qui croient pouvoir contester les religions à partir des données de la science. Ces derniers raisonnent mal, parce qu'ils parviennent à des conclusions qui ne sont pas rationnelles. Ainsi, par exemple, Stephen Hawking [6], dont le dernier ouvrage soutient deux idées : l'une absurde ("l'univers se crée de lui-même, à partir de rien"), l'autre contradictoire avec la première ("l'univers se créé en toute logique des lois de la physique" - ce qui n'est pas "rien"...)! Et ceux-là ne sont pas moins imprudents que les premiers, lorsqu'ils affirment la scientificité de leur doctrine - puisqu'elle relève, elle aussi, de la métaphysique...

 

Les scientifiques qui s'efforcent de penser le monde à partir des connaissances particulières qu'ils en ont à raison de leur compétence, font sans doute bien de réfléchir ainsi et de partager leur conviction - quelle qu'elle soit. Ils se comportent en tous les cas en hommes normaux - non certes comme des scientifiques (puisqu'ils sortent de leur domaine de compétence), mais comme des hommes normaux (puisque l'homme, par nature, est un être métaphysique [7]). Puisque l'activité métaphysique de la raison est la chose la plus naturelle qui soit, il ne faut pas s'étonner que des scientifiques fassent de la métaphysique - d'autant moins, avons-nous dit, que les philosophes de profession préfèrent s'enfouir dans les bibliothèques et commenter les livres poussiéreux d'auteurs anciens (qui eux-mêmes ne s'intéressaient pas à la nature, ou en avait une conception aujourd'hui surannée).

 

Le problème, c'est qu'il manque à tous ces savants la formation technique pour bien penser - et distinguer les différents domaines de la connaissance. Or, "la philosophie, disait Bergson, comme tout le reste, cela s'apprend" [8].

 

Conclusions erronées (contradictoire et irrationnelles) de certaines réflexions métaphysiques de nos chers savants ; confusion des genres (entre la science - au sens moderne - et la métaphysique) ; déconsidération de l'activité métaphysique en tant que telle du seule fait qu'elle n'entre pas dans le champ des sciences expérimentales... voilà le paysage actuel dans toute sa désolation, les ruines fumantes qui demeurent après l'élimination de la métaphysique véritable par les philosophes modernes. De ce champ de bataille émergent les mauvaises herbes du néo-positivisme et de l'idéalisme - le second se prenant pour la seule philosophie possible, et alimentant le premier |9]!

 

Il est donc temps de remettre un peu d'ordre dans tout cela, et de revenir aux fondamentaux de la pensée. De réfuter définitivement l'idéalisme et sa méthode déductive - ce que nous allors tenter de faire avec Claude Tresmontant dans les articles à venir. De redonner ses lettres de noblesses à la métaphysique réaliste. Et de vider ainsi le néo-positivisme de toute sa vénéneuse substance - la réfutation de l'athéisme, dont le néo-positivisme est l'un des principaux vecteurs, constituant sans nul doute la part la plus importante et la plus novatrice de l'oeuvre métaphysique de Claude Tresmontant.

 


[1] Cf. notre article du 24 août 2011, Le dogme de la philosophie moderne.

[2] Cf. l'article paru sur le blog Totus Tuus le 20 juillet 2008, L'ordre de l'univers face au hasard.

[3] "L'hypothèse d'un créateur n'est plus hors du champ de la science", écrit Jean Staune dans son ouvrage (par ailleurs remarquable), Notre existence a-t-elle un sens.

[4] même si par certains aspects, bien entendu, l'on peut considérer la métaphysique comme une science, puisqu'elle nous communique une connaissance certaine du réel objectif - nous y reviendrons.

[5] Claude Tresmontant, in Les Métaphysiques principales, François-Xavier de Guibert 1995, p. 301.

[6] Cf. l'article paru sur le blog Totus Tuus le 5 septembre 2010, L'Univers a besoin d'un Créateur (une esquisse de réponse au conte mythologique de Stephen Hawking).

[7] "Si l'homme est autorisé à accomplir une démarche métaphysique, c'est parce qu'il est lui-même un être métaphysique. L'homme fait de la métaphysique - et il en fera toujours - parce qu'il est un animal métaphysique, parce qu'il est de la métaphysique en chair et en os. En effet, en tant qu'esprit, l'homme est essentiellement méta-physique, il est très littéralement "un être qui transgresse la nature". N'est-il pas, comme l'a si bien vu Pascal, le roseau pensant, plus précieux que l'univers entier, car, quand bien même l'univers l'écraserait, l'homme le saurait tandis que l'univers lui-même en demeurerait ignorant?" Mgr André Léonard, in Les raisons de croire, Communio Fayard 1987, p. 53.

[8] Cité par Roger Verneaux, in Introduction Générale et Logique, Beauchesne et ses Fils 1964, p. 7.

[9] "Puisque la philosophie est à leurs yeux (...) un galimatias perpétuel, une logomachie (...), que voulez-vous que fassent les savants, les chercheurs? Ils se replient sur leurs positions, ils restent dans leurs laboratoires, ils se cantonnent dans leurs sciences, dans leurs spécialités, et ils finissent pas penser, comme les philosophes régnants, qu'il n'y a de science que les sciences expérimentales, que la philosophie n'est pas une science, qu'il n'y a de rationnel que les sciences expérimentales, et que tout le reste est littérature. Autrement dit, le néo-positivisme des philosophes régnants engendre et en tout cas fortifie le néo-positivisme des savants. En somme, aujourd'hui, tout le monde est néo-positiviste." Claude Tresmontant, in Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, pp. 9 et 10. L'auteur ajoute que : "Lorsque quelque savant entreprend de spéculer philosophiquement sur sa science, comme le plus souvent, il n'a pas la formation requise - car l'analyse philosophique implique et requiert une technique, et donc un apprentissage - le plus souvent, le résultat n'est pas fameux"...

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30 juillet 2011 6 30 /07 /juillet /2011 10:52

Nous avons vu précédemment qu'il existe deux méthodes de raisonnement en métaphysique - et deux seules [1]. Deux méthodes qui correspondent en fait à deux points de départ diamétralement opposés :

 

- la méthode déductive, qui raisonne a priori à partir du sujet connaissant, du moi personnel, et qui en déduit toute une série de conséquences philosophiques - et même, nous le verrons : dans l'ordre scientifique ;

 

- la méthode inductive, qui raisonne a posteriori à partir de l'objet connu, à savoir : la réalité sensible scientifiquement explorée, et qui en induit toute une série de conséquences sur le plan métaphysique.

 

Ces deux méthodes traduisent "deux attitudes d'esprit différentes, opposées, par rapport au réel donné dans l'expérience.[2]

 

La méthode la plus prisée dans la philosophie moderne est sans conteste la méthode déductive - celle qui prend pour point de départ le "JE" du philosophe et selon laquelle "toute connaissance principale devra être obtenue a priori, par pure déduction à partir du moi, à partir du sujet pensant qui se connaît immédiatement lui-même." [3]

 

C'est cette méthode que nous allons analyser, décortiquer, disséquer, et comparer ensuite à l'autre méthode de raisonnement - adoptée par Claude Tresmontant : la méthode inductive, ou expérimentale, ou scientifique, qui est pour notre auteur "la bonne méthode, la seule méthode normale de la pensée." [4]

       


[1] Cf. notre article du 24 juillet 2011 : Deux méthodes de raisonnement métaphysique

[2] Claude Tresmontant, Les Métaphysiques principales, François-Xavier de Guibert 1995, p. 275

[3] Claude Tresmontant, Sciences de l'univers et problèmes métaphysiques, p. 163

[4] Claude Tresmontant, Les Métaphysiques principales, François-Xavier de Guibert 1995, p. 4

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24 juillet 2011 7 24 /07 /juillet /2011 14:40

Nous avons vu que Claude Tresmontant, dans le "tohu bohu" des métaphysiques que l’homme a conçues depuis qu’il s’est mis à penser, en discerne trois grands "types" irréductibles – et trois seulement, desquels toutes les autres métaphysiques dérivent : le "type" moniste, le "type" matérialiste et le "type" monothéiste [1].

 

Toutes les métaphysiques humaines se rattachent, d’une manière ou d’une autre, à l’un de ces trois grands "types" de métaphysique, et en découlent. Ainsi par exemple : le scientisme – dont nous avons récemment parlé [2] – qui est une déclinaison de la pensée matérialiste ; le New Age – qui s’inscrit dans la tradition moniste ; le déisme – qui est une expression particulière, quoique frelatée [3], de la conception monothéiste.

 

Tout nous ramène à ces trois grandes structures de pensée que sont le monisme indien, le matérialisme grec et le monothéisme hébreu. La très grande diversité des pensées que l’homme a exprimées dans l’histoire de la philosophie peut être regroupée en ces trois grandes unités, qui sont à la pensée humaine ce qu’un phylum représente pour un groupe zoologique : à savoir le message génétique originel et primordial à partir duquel l’espèce va croître, se développer et se diversifier.

 

Il est donc erroné de croire qu’il puisse exister une infinité d’explications possibles aux problèmes métaphysiques se posant à l’esprit humain. Il n’en existe en réalité que quelques unes, à l'état chimiquement pur, en tout petit nombre. Il est dès lors permis d’espérer trouver une solution à nos problèmes, si l’on veut bien se donner la peine d’examiner à fond les quelques propositions en présence [4].

 

La perspective d’une solution se précise encore davantage si l’on considère les méthodes de raisonnement utilisées à l'intérieur de chacune des trois métaphysiques principales de l’histoire humaine.

 

S’il existe en effet trois grands types de métaphysique, il n’existe que deux méthodes de raisonnement.

 

Deux méthodes…

 

Non pas 50, ni 25, ni même... 3.

 

Deux seulement…

 

Si l’on arrivait à démontrer que parmi ces deux méthodes de raisonnement, l’une est fiable, tandis que l’autre ne l’est pas, on pourrait envisager d’éliminer la (ou les) métaphysique(s) fondée(s) sur la "mauvaise" méthode, celle(s) qui ne présente(nt) pas les garanties de vérité et qui comporte(nt) un risque d’erreur maximal. On verrait bien alors ce qui reste [5].

 

Quelles sont les deux grandes méthodes de raisonnement en métaphysique ?

 

« Lorsque l’on considère l’histoire des métaphysiques depuis environ trente siècles, on voit aussitôt qu’il existe deux méthodes possibles et réelles.

 

« Il existe une méthode qui consiste à partir d’une initiation, ou d’un mythe, – ou d’un principe posé a priori, principe qui se rattache d’ailleurs à un mythe antérieur. On obtient ainsi une métaphysique par déduction, à partir des principes.

 

« Il existe une autre méthode qui consiste à partir de l’expérience scientifiquement explorée. C’est une méthode inductive. On part des faits. On part de ce qui est donné dans l’expérience. On ne commence pas par déclarer que l’expérience a tort, ni qu’elle est illusoire, ou trompeuse, ou pure apparence, ou encore un songe.

 

« Ce sont deux attitudes d’esprit différentes, opposées, par rapport au réel donné dans l’expérience. » [6] 

 


[1] Cf. notre article du 7 juillet 2011 : Un penseur du monothéisme hébreu.

[2] Cf. notre article du 22 juillet 2011 : Tresmontant est-il scientiste?

[3] Cf. notre article du 10 juillet 2011 : Le déisme

[4] Cf. notre article du 18 juillet 2011 : L'espoir de trouver une solution

[5] On verra que ce qui reste, au terme de l’analyse, c’est une seule des trois métaphysiques en présence : en l'occurrence, le monothéisme hébreu. On aura ainsi trouvé LA solution aux problèmes métaphysiques se posant à notre humaine raison ; et on l’aura trouvé rationnellement, au terme d’une analyse philosophique, sans le recours à une quelconque "initiation" ou "révélation".

[6] Claude Tresmontant, Les Métaphysiques principales, François-Xavier de Guibert 1995, p. 275.

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18 juillet 2011 1 18 /07 /juillet /2011 00:00

Comme les scientifiques qui, en remontant le fil de l'histoire de l'univers à rebours de son expansion, sont parvenus à mettre au jour l'évènement primordial de son commencement (communément appelé "Big Bang"), Claude Tresmontant, remontant le fil de l'histoire de la pensée humaine à rebours de son évolution, a identifié trois grands "types" de métaphysiques - à l'origine de tous les développements ultérieurs ; c'est-à-dire : trois grandes catégories d'explication du monde, de l'homme et de sa place dans l'univers [1].

 

Trois métaphysiques...

 

Non pas 50, ni 25, ni même 10.

 

Trois seulement...

 

Il n'existe donc pas une infinité de possibilités, une infinité de solutions aux problèmes métaphysiques qui se posent à l'intelligence humaine.

 

Cette considération nous conduit à une première conclusion d'importance.

 

savoir que : "si les solutions aux problèmes posés ne sont pas en nombre indéfini - loin de là! - il est permis d'espérer d'en trouver la solution." [2]

 

Il est donc pour le moins hâtif d'affirmer que "l'on ne peut pas savoir" : "On ne peut pas savoir avec certitude si Dieu existe ; et s'il existait, on ne pourrait pas savoir de toute façon qui Il est (et quelle religion serait la "bonne") ; on ne peut pas savoir avec certitude d'où vient l'univers, ni où il va ; s'il a un sens, une direction ; si la vie même des hommes a un sens... On peut spéculer à l'infini sur toutes ces questions, mais on ne peut pas avoir de certitudes quant à leur solution".

 

Mais justement : on ne peut pas spéculer "à l'infini" sur ces questions. Pour la bonne raison que les réponses possibles ne sont pas en nombre indéfini. Il n'y en a que trois. Toutes les tentatives de réponses que l'homme a essayé d'imaginer depuis qu'il s'est mis à penser, se rattachent à l'un des trois grands "types" de métaphysique évoqués par Claude Tresmontant. Il faudrait donc les envisager tous les trois, et les analyser chacun à fond, avant d'affirmer péremptoirement que "l'on ne peut pas savoir".

 

"On ne peut pas savoir" en effet, si l'on ne traite pas ces trois types de réponse pour en éprouver la solidité sur le plan rationnel. Mais si l'on prend le temps de la réflexion et de l'étude, on verra que les trois réponses ne sont pas d'égale valeur. Que deux d'entre elles peuvent être aisément écartées. Et qu'une (une seule!) émerge naturellement.

 

Pour parvenir à ce résultat toutefois, il y a un préalable : il faut se mettre d'accord sur la méthode de raisonnement - et cela peut-être un premier lieu de débat.

 

Pour Claude Tresmontant : "la bonne méthode, la seule méthode normale de la pensée, [c'est] la méthode expérimentale, la méthode scientifique." [3] 

 


[1] Cf. notre article du 7 juillet 2011 : Un penseur du monothéisme hébreu.

[2] Claude Tresmontant, in Les Métaphysiques Principales, OEIL 1995, p. 4.

[3] Ibid., p. 4

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10 juillet 2011 7 10 /07 /juillet /2011 20:49

Un lecteur m'interroge sur le déisme : comment l'intégrer dans la classification des métaphysiques principales de Claude Tresmontant - que nous avons évoquée dans notre précédent article?

 

Tout dépend en fait ce que l'on appelle le déisme.

 

Si l'on s'en tient à la définition classique du déisme, rappelée par Wikipedia, alors il relève sans conteste de la tradition monothéiste - puisqu'il reconnaît l'existence d'un Dieu créateur distinct du monde [1].

 

Ce n'est pas cependant une forme "légitime" du monothéisme, puisqu'il rejette l'idée de Révélation, et de manifestation de Dieu dans l'histoire des hommes (sous forme de prophéties et de miracles). C'est donc une forme que l'on peut qualifier de "dévoyée" et "pervertie" - un enfant "adultérin" - du monothéisme hébreu.

 

Le déisme me paraît un monothéisme dans laquelle on aurait inoculé le venin de l'athéisme... avec un Dieu assigné à résidence dans son ciel! Un Dieu tellement lointain... qu'on en finirait presque par se demander s'il existe vraiment.

 

Si j'osais, je dirais que le déiste est un athée qui croit en Dieu (il y a bien, après tout, des anarchistes qui traversent dans les clous! ). Il croit en Dieu parce qu'il raisonne correctement ; et il ne peut faire autrement que d'affirmer son existence, parce qu'il est rationalisteMais paradoxalement, sa croyance le conduit à un athéisme pratique, parce que ce Dieu auquel sa raison le conduit, il ne l'a pas rencontré personnellement ; il n'a pas fait l'expérience de sa proximité, de sa présence d'amour, de sa tendresse pour les hommes.

 

Sans doute aussi notre déiste préfère-t-il vivre sans Dieu, loin de Dieu... "Notre Père qui êtes aux cieux... restez-y!" s'exclamait Jacques Prévert. Voilà qui me paraît une excellente définition du déisme.

 

Si l'on considère "déiste" maintenant celui qui croit, non pas en Dieu, mais en une divinité impersonnelle cachée dans les replis les plus secrets de la nature, et qui serait comme son dynamisme vital, son coeur battant, alors on n'est plus ici dans la catégorie du monothéisme hébreu - qui implique la séparation radicale, ontologique entre l'univers créé et Dieu incréé - mais dans celle du monisme de l'Inde antique - qui est la souche commune du panthéisme, du paganisme, du gnosticisme et du néoplatonisme.

 

 


[1] "Il existe des formes de monothéismes autres que le christianisme [et] le judaïsme (...). Il existe le monothéisme musulman. Il existe un monothéisme philosophique, rationaliste, celui qu'a défendu Voltaire par exemple. Voltaire écrivait pour sa part : "Les athées sont pour la plupart des savants hardis et égarés qui raisonnent mal, et qui, ne pouvant comprendre la Création, l'origine du mal, et d'autres difficultés, ont recours à l'hypothèse de l'éternité des choses et de la nécessité" (Dictionnaire Philosophique, article Athée, athéisme)." (Claude Tresmontant, Les Problèmes de l'Athéisme, Editions du Seuil 1972, p. 312.)

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7 juillet 2011 4 07 /07 /juillet /2011 17:42

Beaucoup d’entre vous ne connaissent peut-être pas encore Claude Tresmontant. Il me paraît donc important de commencer à le situer dans les différents courants de pensée que l’histoire humaine a engendrés.

 

Si l’on reprend la typologie de notre auteur dans son ouvrage fondamental Les métaphysiques principales, il existe trois grandes thèses, trois grandes doctrines ou écoles principales, qui demeurent constantes à travers les siècles – en dépit de la diversité de leurs formes.

 

1°) La tradition moniste, qui s’enracine dans la pensée antique de l'Inde, et pour laquelle l’univers matériel et tout ce qu’il contient (vous, moi, y compris) n’a pas de consistance réelle, et dissimule en réalité un Être unique qui est le seul existant : le Brahman (ou l’Un, ou la Substance, selon la dénomination retenue).

 

Selon cette tradition, seul le Brahman existe. Il est l’Être nécessaire, qui ne dépend de rien ni de personne pour exister, sans commencement ni fin, qui ne vieillit pas et n’évolue pas. Rien n’existe en dehors de lui ; et tout ce qui n’est pas lui n’est qu’illusion et apparence (en l'occurrence : notre univers matériel, les êtres multiples qui ne sont que des reflets, des émanations, des parcelles du Brahman).

 

2°) La tradition matérialiste, qui trouve son origine dans la pensée des plus anciens métaphysiciens grecs, et pour laquelle l’univers matériel n’est pas une illusion ni une apparence, mais l'unique réalité – la seule existante.

 

Selon cette tradition, c'’est lui, l’Univers (et non le Brahman) qui est l’Être nécessaire, ne dépendant de rien ni de personne pour exister, sans commencement ni fin, qui ne vieillit pas et n’évolue pas. Rien n'existe en dehors de lui.

 

3°) La tradition monothéiste enfin, qui commence avec les Hébreux environ 18 siècles avant notre ère, et pour laquelle l’univers existe bel et bien, et n’est pas une illusion – contre ce qu’affirme la tradition moniste ; mais n’est pas le seul être, l’Être nécessaire, ne dépendant de rien ni de personne pour exister, sans commencement ni fin, qui ne vieillit pas et n’évolue pas – contre ce qu’affirme la tradition matérialiste.

 

Pour le monothéisme hébreu, l’Être nécessaire, qui ne dépend de rien ni de personne pour exister, sans commencement ni fin, qui ne vieillit pas et n’évolue pas, qui est incréé, c’est Dieu ; l’univers, quant-à-lui, n’est pas incréé ; il n'est pas auto-suffisant, ni éternel, ni immuable ; il reçoit son être de Dieu, et il le reçoit progressivement dans le temps : il est en régime de création.

 

Tels sont les trois grands types de pensée qui émergent de la réflexion séculaire de l’homme sur l’univers et la réalité des choses. 

 

Il y a : « 1. Ceux qui disent que l’Univers physique en réalité n’existe pas. Il est une illusion ou une apparence. L’Être absolu, le Brahman, est autre que l’Univers, qui n’est qu’une représentation, un rêve ou un cauchemar. [Il existe donc ici un seul type d'être : le Brahman - ou l'Un, la Substance...]

 

2. Ceux qui disent que l’Univers physique existe objectivement, réellement et que c’est lui l’Être absolu, l’Être unique, l’Être nécessaire. [Il existe donc ici un seul type d'être : l'Univers physique]

 

3. Ceux qui disent que l’Univers physique existe réellement et objectivement, mais que ce n’est pas lui l’Être absolu et nécessaire. » [Il existe donc ici deux types d'êtres : Dieu incréé, et l'Univers physique créé] 

 

« (…) Ce sont [là] trois espèces de métaphysiques, ou, comme disent les zoologistes, des phyla. Un groupe zoologique ou phylum se définit par un certain message, le message génétique qui commande à la construction de ce groupe zoologique. Une métaphysique aussi se définit par un certain message. Toute la pensée humaine, depuis trente siècles, est constituée par l’évolution, les rencontres, les mélanges et les conflits entre ces trois métaphysiques fondamentales. » [1]  

 

Claude Tresmontant s’inscrit pour sa part dans le courant de pensée monothéiste hérité du peuple hébreu, et consacrera l’essentiel de ses efforts à démontrer la conformité de la métaphysique biblique avec la réalité objective telle que les sciences positives nous la dévoilent – au contraire des deux autres courants métaphysiques qui s’avèrent incapables d’assumer et intégrer les enseignements que la connaissance expérimentale nous apporte, spécialement depuis le siècle dernier.

 


[1] Claude Tresmontant, Les Métaphysiques principales, François-Xavier de Guibert 1995, p. 9 et 13.

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